325 millions de foies en péril ? A l’échelle mondiale, c’est le nombre de personnes qui vivent avec une infection chronique par le virus de l’hépatite B (VHB) ou de l’hépatite C (VHC), selon les dernières estimations de l’OMS. A l’Institut de Recherche sur les Maladies Virales et Hépatiques, les chercheurs s’efforcent de trouver des solutions pour combattre ces hépatites virales.
24/05/2017
Si aujourd’hui le taux de guérison de l’hépatite C avoisine les 90 %, le coût des traitements antiviraux se compte toujours en dizaines de milliers d’euros. Un prix qui reste prohibitif pour une majorité de patients à travers le monde. Plutôt que guérir, mieux vaudrait donc prévenir. Problème : il n’existe toujours pas de vaccin contre l’hépatite C. Une fois dans l’organisme, le VHC a le champ libre pour infecter les cellules du foie, sa destination finale. « Huit fois sur dix, les personnes infectées n’arrivent pas éliminer le virus spontanément, révèle Mirjam Zeisel, chargée de recherche et chef de groupe à l’Institut de Recherche sur les Maladies Virales et Hépatiques (IRMVH), et les malades finissent par développer une hépatite chronique. » Pour compliquer les choses, la plupart ignore être infectée. La maladie peut en effet passer inaperçue pendant de très nombreuses années. Et lorsque les premiers symptômes se font sentir, le foie est déjà sérieusement atteint.
« Au sein de notre unité, on s’efforce de comprendre comment neutraliser durablement le virus de l’hépatite C en vue du développement d’un vaccin, explique Mirjam Zeisel. C’est d’autant plus important que même une fois guéris, les patients ne sont pas immunisés contre une nouvelle infection. » La difficulté est de parvenir à identifier les motifs de l’enveloppe virale à cibler pour pouvoir détruire différentes souches de virus. Car comme le VIH, le VHC mute beaucoup.
Des anticorps pour protéger et guérir
De surcroit, l’inflammation du foie induite par les virus à hépatite C peut dégénérer en cancers. Ces virus sont même les premiers responsables des greffes de foie. Outre la mise au point d’un vaccin, les chercheurs de l’IRMVH planchent donc sur des stratégies pour protéger le greffon d’une réinfection, lorsque le VHC est toujours présent dans le sang. Leur angle d’attaque : cibler une protéine de l’hôte plutôt qu’un virus en constante évolution. « Au sein du laboratoire, on a développé des anticorps dirigés contre la claudine-1 qui, à la surface des cellules du foie, bloquent des protéines exploitées par le VHC pour infecter ses cibles, signale Mirjam Zeisel. Ainsi, on empêche le virus d’entrer dans la cellule. » Si cette stratégie de prévention n’a pas encore été testée cliniquement, les résultats obtenus in vitro et sur des modèles de souris sont prometteurs. Cerise sur le gâteau, les anticorps anti-claudine-1 administrés après l’infection permettent de soigner plus vite une hépatite chronique !
Autre problématique : s'il existe des vaccins contre le VHB, les antiviraux actuels ne permettent pas d'éliminer le virus une fois l'hépatite chronique installée. Ainsi les chercheurs de l'IRMVH s'attachent à identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques pour éradiquer ce virus.
Mystérieux cancers
Le principal défi scientifique reste toutefois de comprendre par quels mécanismes ces virus provoquent des cancers du foie. « L’espoir était qu’en guérissant la maladie virale, on préviendrait l’apparition de cancers, souligne la chercheuse. Mais force est de constater qu’une personne ayant guéri d’une hépatite présente un risque plus élevé de développer un cancer du foie qu’une personne n’ayant jamais été touchée par la maladie. » Véritables bombes à retardement, ces cancers se déclarent parfois 20 à 30 ans après une hépatite chronique.
Ronan Rousseau
- Légende des photos : cellules infectées ou non par le virus de l’hépatite B. Les noyaux cellulaires apparaissent en bleu et une protéine virale en rose. Image du haut : cellules non infectées ; Image du bas : cellules qui ont été incubées avec le virus et dont une partie a été infectée.