La maladie d’Alzheimer n’altère pas que la mémoire. Elle provoque aussi des troubles du comportement qui ne sont pas toujours faciles à comprendre pour l’entourage du malade. D’autant plus qu’il n’existe aucun traitement pour soigner la maladie. Mieux comprendre la psychologie des malades est donc crucial pour garantir leur bien-être et aider les proches à faire face.
30/09/2016
« Je veux rentrer à la maison ». Cette demande, Audrey Meyer, psychologue clinicienne et docteur en psychologie clinique, l’entend régulièrement depuis qu’elle travaille dans une unité de vie protégée accueillant des personnes touchées par la maladie d’Alzheimer ou un trouble apparenté. Fréquemment associée à une agitation psychomotrice de type déambulation ou une recherche active des poignées de portes, elle désempare les familles – et parfois même les soignants – qui ne savent pas toujours comment y faire face.
En questionnant les malades, Audrey Meyer s’est rendu compte qu’ils faisaient généralement référence à leur maison natale, « celle de Papa et Maman », plutôt que leur dernier lieu de vie. Intriguée par cette requête récurrente, la psychologue a cherché à comprendre la signification psychique de ce désir1.
« La majorité des malades demandent à rentrer à la maison quand ils perçoivent leur identité menacée », explique ainsi la chercheuse. Des facteurs aussi divers que la tombée de la nuit, le fait de vivre dans une institution, l’aggravation de l’état de santé ou une incapacité à reconnaître les visages ou les lieux de vie peuvent déclencher ce sentiment.
Une lutte pour l’identité
Face à un psychisme en déconstruction, la recherche de la maison natale offre une échappatoire pour les malades. « Elle s’inscrit dans un mouvement défensif qui vise à protéger le moi des malades et à retrouver un sentiment de sécurité », analyse l’auteur.
Les familles, qui se retrouvent confrontées à une demande de retour à la maison, éprouvent beaucoup de culpabilité. Mais de façon paradoxale, même des personnes vivant chez elles peuvent demander à « rentrer à la maison ». Le malade est en perte de repères aussi bien chez lui qu’en institution. Pour la psychologue, derrière cette quête d’un ailleurs protecteur qui n’existe plus, il y a le désir d’être entendu. « Le malade est finalement à la recherche de la toute première personne qui lui ait accordé du temps, c’est-à-dire la mère au sens originel », décrypte-t-elle. La personne à laquelle s’adresse le malade doit donc être capable d’entendre, de dédramatiser et de reformuler ses inquiétudes plutôt que de satisfaire sa demande au sens littéral.
Pour Audrey Meyer, il est crucial de donner ces clefs de compréhension aux proches accompagnants des malades touchés par Alzheimer, familles comme professionnels. « Changer notre regard sur cette demande est essentielle pour permettre aux malades de bénéficier d’une écoute bienveillante et d’améliorer leur accompagnement au quotidien.
Ronan Rousseau
1 : Audrey Meyer (2016), « La demande de retour à la maison du sujet âgé dément : la quête d’un refuge archaïque pour lutter contre l’angoisse de mort ». Travail de thèse réalisé dans le cadre du doctorat de l’Université de Strasbourg en Psychologie clinique, dirigé par Marie-Frédérique Bacqué, Professeure à la Faculté de psychologie de l’Université de Strasbourg.