Le Conseil européen de la recherche (ERC) vient de fêter ses dix ans. Sur les 45 lauréats alsaciens, 9 sont des lauréates. Parmi elles, Luisa de Cola, professeure à l’Institut de sciences et d’ingénierie supramoléculaires, a obtenu une ERC Advanced Grants en 2009. Elle revient pour nous sur son projet et nous livre son avis sur l’utilité de ces bourses.
24/03/2017
Pouvez-vous nous résumer votre projet ERC ?
Il portait sur le développement de matériaux poreux pouvant piéger et libérer des médicaments ou des biomolécules à des fins thérapeutiques. Le défi associé à ces nanomatériaux destinés à être injectés dans l’organisme est de réussir à ce qu’ils franchissent différentes barrières, pénètrent à l’intérieur des cellules, ciblent les tissus appropriés et surtout puissent être éliminés une fois leur mission accomplie. L’objectif du projet était de fonctionnaliser des contenants constitués de silice pour développer des matériaux pouvant être brisés grâce à un signal chimique. Le projet a été une vraie réussite et nous avons pu créer des nanocontenants à même de délivrer in vivo des médicaments ou de grosses biomolécules telles que des protéines ou des ARN.
Votre projet est aujourd’hui terminé. Vous a-t-il ouvert de nouvelles opportunités ?
Absolument ! Nous avons noué de forts partenariats avec des hôpitaux et des centres de recherche, tout comme nous avons pu lancer de nouveaux programmes d’études sur la base des résultats que nous avons obtenus.
Avez-vous hésité à soumettre votre projet au Conseil européen de la recherche ?
J’étais convaincue par la valeur scientifique de mon projet et son caractère innovant mais, je dois l’avouer, un peu moins par mon CV qui, il y a huit ans, était bien moins fourni que ceux d’autres candidats. Cependant, je n’ai eu à soumettre qu’une seule demande pour obtenir ma bourse.
Les bourses ERC vous paraissent-elles efficaces pour soutenir la science ?
Oui, le Conseil européen de la recherche est une agence de financements vitale pour les chercheurs. L’importance des financements octroyés est une chance pour encourager une recherche innovante et même créer de nouveaux domaines scientifiques. Je souhaite que l’ERC continue de juger les projets sur la seule base de l’excellence scientifique comme critère de sélection.
D’après les statistiques, les femmes lauréates sont toujours moins nombreuses que les hommes. Quel regard portez-vous sur cet état de fait ?
C’est une problématique générale qui ne concerne pas uniquement l’ERC. Le fond du problème est d’ordre culturel et social. Les femmes scientifiques désirent souvent s’épanouir dans leur carrière tout en devenant mères. Mais la société n’est pas organisée de manière à ce qu’elle puisse élever facilement leurs enfants en menant leur carrière de front. Bien souvent, l’aide qu’elles reçoivent pour combiner les deux n’est pas suffisante.
Quel message souhaiteriez-vous passer aux chercheurs qui hésitent à postuler à une bourse ERC ?
Postuler à une ERC peut les aider à rêver et penser hors des sentiers battus. Je pense que quiconque est convaincu d’avoir une idée à la fois de long terme et novatrice doit tenter sa chance. Il ne faut pas craindre de ne pas obtenir de bourse car ce n’est pas un échec en soi. Au contraire, quelle que soit l’issue, l’expérience est enrichissante et fait avancer.
Propos recueillis par Ronan Rousseau