A l’occasion d’une exposition et de la sortie d’un documentaire, Jonas Parétias, doctorant en archéologie au sein de l’unité mixte de recherche Archéologie et histoire ancienne : méditerranée – Europe (Archimède), nous dévoile les secrets de Briga. Une ville longtemps cachée, redécouverte en 2006 en Normandie.
03/03/2021
Dès le début du 19e siècle, un site antique situé sur le territoire de la ville d’Eu, en Seine-Maritime, est exploré. Il abrite un temple et un théâtre de l’époque romaine interprétés comme appartenant à un sanctuaire rural, a priori isolé… En 2006, l’archéologue Étienne Mantel prend la tête des fouilles du temple. Sur une grande plaque en calcaire, il découvre une inscription mentionnant une basilique, le nom de la personne qui l’a fait construire et le dieu auquel elle est dédiée : « Mercure de Briga. »
L’indication amène le chercheur à mener des investigations complémentaires révélant, au fil des années, une agglomération romaine jusqu’ici inconnue des cartes et des sources. « Une petite révolution à l’échelle régionale. » En 2019, un projet collectif de recherche permet d’ouvrir de nouvelles fouilles pour deux doctorants parmi lesquels Jonas Parétias qui se rend chaque mois d’août dans la ville.
Un théâtre de 102 m de diamètre
Dépendant de Beauvais, Briga est une ville secondaire dont l’occupation remonte à l’époque gauloise voire néolithique. Une ville romaine, abritant entre 3 000 et 6 000 habitants à son apogée, s’y implante après la Conquête, dans les dernières décennies avant notre ère. Disposant d’une position dominante sur un plateau, de la proximité avec un fleuve côtier favorisant le commerce, sans parler d’une façade maritime à quelques kilomètres, la ville jouit de nombreux avantages. « Son nom, d’origine celtique, désigne un point élevé, une forteresse perchée », explique le doctorant qui s’intéresse plus particulièrement aux monuments publics et à leur décoration architecturale.
Parmi eux, le théâtre de grande dimension, 102 m de diamètre, a une capacité de 3 000 à 5 000 personnes. Déjà fouillé de 1965 à 1972 par Michel Mangard, il est bien documenté par son plan et sa structure au sol qui permet de restituer son aspect en élévation. « J’ai repris les recherches pour répondre aux questions laissées en suspens notamment sur l’insertion du monument dans son environnement, sa structuration, son évolution au fil des siècles ou encore les zones de circulation. »
Glissements de terrain et abandon de la ville
En 2020, le jeune chercheur découvre notamment que le théâtre, adossé à une pente, a subi des glissements de terrain ayant entrainé des mouvements de maçonnerie et la mise en place d’un système de contreforts. Ces glissements, déjà mis en lumière par Étienne Mantel pour l’habitat, ont eu lieu pendant tout le 3e siècle en raison de la nature argileuse du sol. « Ils vont pousser les habitants à abandonner la ville à la fin du 3e siècle pour se déplacer vers la vallée. Tous les édifices publics sont alors démontés et seules les fondations restent. »
Une petite présence subsiste au 4e siècle sur moins d’1 hectare pour une activité de récupération des matériaux qui persiste jusqu’au 10e siècle. Peu de vestiges de l’époque moderne sont venus se superposer à ceux de l’époque romaine ce qui rend la ville facilement accessible sous la prairie ou la forêt. Pour le moment, environ 2,5 hectares sur les 65 hectares que compte la ville ont été fouillés, Briga est loin d’avoir livré tous ses secrets.
Marion Riegert
Faire vivre Briga, « une ville retrouvée »
Plus d'informations
Après plusieurs reports, l'exposition consacrée à Briga, intitulée « Quand la Normandie était romaine. Briga, une ville retrouvée » ouvrira ses portes, dès que l'évolution de la situation le permettra, au musée des Antiquités de Rouen. Elle sera, dans un premier temps, visitable jusqu'au 16 mai 2021 avant d'être réinstallée à la chapelle du collège des Jésuites d'Eu du 24 juillet au 31 octobre 2021.
L’exposition, entièrement numérisée, est accessible en visite virtuelle. Un catalogue de 224 pages « Briga, une ville romaine se révèle », édité par Silvana Editoriale, vient de paraître.
La ville fait également l’objet d’un documentaire de 52 minutes, « Briga, la ville oubliée » (2020), réalisé par David Geoffroy et diffusé sur France 3 Normandie.