Les déchets amiantés, dont la toxicité est liée au fer, sont à l’origine de différents cancers. L’équipe Métaux et micro-organismes de l’unité mixte de recherche Biotechnologie et signalisation cellulaire, spécialisée dans l’étude de l’homéostasie du fer chez les bactéries, a mis son savoir-faire en recherche fondamentale au service de la dépollution de ces déchets. Elle montre que des bactéries sont capables d’extraire efficacement le fer contenu dans les fibres d’amiante présentes dans les déchets.
18/03/2021
L'amiante est une famille de fibres minérales, naturellement présente dans les roches ou amalgamée dans différentes matrices par l’homme. Très utilisée depuis la Seconde Guerre mondiale pour ses propriétés isolantes, thermiques et phoniques, elle est contenue dans plus de 3 500 produits dérivés. Son interdiction, en 1997, entraine de nombreux chantiers de désamiantage aboutissant à des tonnes de déchets présentant toujours un risque de contamination. Actuellement, les seules méthodes utilisées pour traiter ces déchets sont la vitrification (traitement thermique énergivore entre 1 200 - 1 600°C) et l’enfouissement, majoritairement utilisé.
« Chaque déchet est un sujet en lui-même »
« La toxicité de l’amiante est due en grande partie au fer qui la compose », explique Valérie Geoffroy, chercheuse au sein de l’équipe Métaux et micro-organismes qui propose une autre solution plus écologique. Elle utilise une bactérie mangeuse de fer, naturellement présente dans l’environnement, pour enlever la toxicité des déchets et pouvoir ensuite les recycler. Ce procédé, sans danger pour l’homme, est développé à travers un projet pluridisciplinaire débuté en 2012, financé actuellement par le ministère du logement en partenariat avec la Société méditerranéenne des Zéolithes (Somez).
« Le désamiantage pourrait se faire dans une cuve où seraient réalisés des bains dans lesquelles les bactéries iraient grignoter le fer, un élément essentiel à la plupart des microorganismes. Une fois leur mission accomplie, elles pourraient ensuite être traitées comme toutes les autres bactéries dans les stations d’épuration », détaille la chercheuse qui explique qu’il n’y a pas un mais plusieurs types de déchets amiantés. « Selon la structure de la fibre et la matrice dans laquelle l’amiante est enrobée. Ce qui fait de chaque déchet un sujet en lui-même. »
Des tubes à essai au bioréacteur
Seul bémol, le processus est beaucoup plus long que la vitrification. « Les bactéries sont très économes. Dès qu’elles ont assez de fer, elles arrêtent la production du sidérophore, la molécule spécifique destinée à extraire le fer. » Pour accélérer la cadence, le laboratoire modifie la bactérie afin de faire en sorte qu’elle produise la molécule en continu. « Nous sommes également passés du tube à essai à des quantités plus importantes avec un bioréacteur de quatre litres pour une dépollution de manière automatisée. La machine est prête et la première expérience est en cours de lancement », détaille Valérie Geoffroy qui souhaite comprendre sur le plan fondamental comment la bactérie interagit avec le matériau et se fixe sur l’amiante.
Le procédé développé a été testé sur deux des trois principaux matériaux contenant de l’amiante : les déchets de flocage et les fibrociments. Côté projets, le laboratoire souhaite s’attaquer à une dernière cible : les déchets plastiques amiantés comme les dalles de vinyle à travers une thèse dédiée. « Il faut caractériser la matrice plastique qui est d’origine organique, identifier le type d’amiante utilisé et trouver les traitements adaptés pour libérer les fibres. » La plus grosse difficulté étant de récupérer des déchets. « Je vais reprendre mon bâton de pèlerin pour tenter d’en dénicher », plaisante Valérie Geoffroy.
Marion Riegert
- Retrouvez la publication dans le Journal of Hazardous Materials.
- Pour aller plus loin, regarder aussi nos vidéos sur les travaux de Valérie Geoffroy et Sébastien David.