Mauvaise nouvelle pour le grand hamster. Une étude, menée par des chercheurs de l’Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien (IPHC) et publiée le 18 janvier, montre qu’une alimentation composée essentiellement de maïs, une céréale très cultivée en Alsace, a des conséquences désastreuses sur la reproduction de ce rongeur... Explications.
13/01/2017
Monoculture oblige, le grand hamster d'Alsace a principalement du maïs ou du blé à se mettre sous la dent. Un régime alimentaire qui semble quelque peu limité pour ce rongeur omnivore friand de végétaux et d’invertébrés. Est-ce une des raisons pour lesquelles l’espèce peine à se maintenir en Alsace ? Mathilde Tissier, doctorante à l’Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien, s’est posé la question dans le cadre de sa thèse1. « On sait que la monoculture a des effets néfastes à différents niveaux, mais on ne s’est jamais véritablement interrogé sur son impact nutritionnel. En d’autres termes, le fait que le grand hamster n'ait qu’une ou deux céréales à manger influence-t-il sa reproduction et sa survie ? »
Pour éclaircir cette question, la jeune chercheuse a étudié le succès reproducteur de femelles nourries principalement avec du blé ou du maïs. Et les résultats sont pour le moins surprenants. Les mères nourries avec la céréale originaire du Mexique développent des comportements aberrants envers leurs jeunes, comme l’explique Mathilde Tissier dans la vidéo ci-dessous.
La grande majorité des femelles nourries avec du maïs mangent leurs petits dans les premières 24 heures suivant la mise bas. En cause : une carence en vitamine B3 dont les conséquences rappellent la pellagre ou maladie des trois D (dermatose, diarrhée, démence) chez l’homme. La vitamine B3 contenue dans le maïs n’est en effet pas directement assimilable par les animaux. De plus, ce végétal est pauvre en tryptophane, un acide aminé précurseur de cette vitamine. Problème : cette carence pourrait nuire à la reproduction d'une partie des hamsters vivant à l’état sauvage en Alsace, la culture du maïs monopolisant entre 55% et 80% des terres agricoles suivant les années. « Pour pallier ce manque de vitamine B3, il faudrait qu’ils consomment d’autres plantes en plus du maïs, fait valoir Mathilde Tissier. Mais l’utilisation d’herbicides et l’absence de bordures de champs limitent leur disponibilité dans les parcelles agricoles. »
Le grand hamster ne serait pas le seul à souffrir de ce manque de diversité alimentaire. La plupart des animaux évoluant dans les champs semblent concernés. « Faute de choix, certaines abeilles se nourrissent essentiellement de pollens de maïs. Or, il a été montré en laboratoire que les abeilles ont du mal à se repérer dans l’espace lorsqu'elles sont carencées en tryptophane ou en vitamine B3 », souligne la biologiste pour qui ces études plaident en faveur d’une restauration d’une diversité de cultures à l’échelle du paysage, approche développée dans le cadre du projet Life Alister2.
Ronan Rousseau et Baptiste Cogitore
1Thèse financée par le projet européen Life Alister et encadrée par Caroline Habold et Yves Handrich (CNRS).2 En collaboration avec la Chambre d’agriculture de région Alsace (Cara) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).