Pour sa cinquième édition, le grand colloque interdisciplinaire de l’Université de Strasbourg s’articulera autour du thème « Environnement(s) ». Les 5 et 6 juin 2019, conférences plénières et exposés flashs permettront d’aborder le sujet à travers ses différentes facettes. Morceaux choisis avec trois conférences autour du droit, de l’écophysiologie ou encore de l’hydrologie.
23/05/2019
« Changements climatiques : quand le futur proche est bien plus incertain que le futur lointain »
Philippe Ackerer, chercheur au laboratoire d'Hydrologie et de géochimie de Strasbourg travaille sur les changements climatiques dans la plaine du Rhin. « Nous avons essayé de prévoir l’évolution du niveau d’eau de la nappe du Rhin et des débits dans les cours d’eau jusqu’en 2100 avec comme données d’entrées la température, les pluies et la neige », souligne le chercheur qui avec son équipe a utilisé les résultats de 20 modèles climatiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) pour alimenter son modèle hydrologique préalablement vérifié grâce à l’utilisation des évènements passés : « Si nous arrivons à reproduire le passé, nous considérons que le modèle peut être utilisé pour faire des prévisions. »
Ces simulations prévoient toutes une augmentation significative des débits des cours d’eau au printemps ce qui pourrait entrainer des inondations et des débits plus faibles en été avec une possible menace pour la faune et la flore. Pourtant, un paradoxe demeure, résumé dans le titre de l’intervention du chercheur : « Pour 2100, les modèles climatiques prédisent tous l’absence de neige dans les Vosges, mais une incertitude subsiste pour 2050. Certains modèles annoncent qu’il y en aura encore, d’autres non. Or la neige est un réservoir d’eau important. S’il n’y a pas de neige en hiver, l’eau alimentera directement les cours d’eau ce qui augmentera leur débit. » Le futur proche semble ainsi plus incertain que le futur lointain…
- Rendez-vous mercredi 5 juin de 15h à 16h.
« L'usage de la science dans les affaires des victimes de pesticides par les juges américain et français : regards croisés »
Depuis deux ans, Elisabeth Lambert, chercheuse au laboratoire Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe, s’intéresse à un sujet qui fait régulièrement la une de l’actualité : les contentieux qui opposent les victimes de pesticides aux grandes entreprises qui les produisent comme Monsanto. Et ce à travers une approche juridique de manière comparative en France et aux Etats-Unis. « Les deux pays où le plus d’affaires ont été portées en justice », glisse la chercheuse qui se focalise plus particulièrement sur les décisions rendues lors des 24 derniers mois.
L'objectif de son intervention est d'évaluer comment la connaissance scientifique est utilisée par les juges nord-américains et français dans les décisions qu'ils sont appelés à prendre concernant la reconnaissance des pathologies subies par des victimes (professionnelles ou non). « Par exemple, en 2015, le centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé a déclaré le glyphosate comme cancérogène probable, ce qui a permis de faire évoluer le raisonnement du juge américain. » Mais l’utilisation de ces connaissances peut s’avérer compliquée car certaines études se contredisent et les juges ne sont pas spécialistes de ces questions. « La découverte selon laquelle Monsanto avait payé des spécialistes pour mettre leur nom sur des études concluant à la non-dangerosité du glyphosate que l’entreprise avait elle-même produites (ghostwriters) a constitué l'autre tournant majeur de ce contentieux. »
- Rendez-vous mercredi 5 juin de 09h15 à 11h15.
« Quelle nature dans la ville de demain ? »
Jean-Yves Georges, écophysiologiste à l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien, étudie les populations naturelles de tortues d’eau douce à travers l’Europe. Sur notre continent, les zones humides, l’habitat des tortues locales comme la cistude, « ont régressé de 75% depuis la Seconde Guerre mondiale en raison des activités humaines et du changement climatique. » Les soldats américains sont venus avec leurs animaux de compagnie, comme « la tortue de Floride, l’une des 100 espèces les plus invasives au monde », précise Jean-Yves Georges.
En se promenant à Strasbourg, le chercheur constate une présence notable de ces tortues exotiques dans les parcs de l’Orangerie et de la Citadelle. Pour étudier le phénomène d’un point de vue naturaliste mais aussi sociologique, Jean-Yves Georges dépose un projet à la Zone atelier environnementale urbaine du CNRS. « Nous voulions évaluer la situation et la perception qu’ont les usagers et les agents des parcs publics de la présence de ces tortues. » Résultat : 9 espèces, toutes exotiques, pour 100 individus issus de lâchages par des particuliers et une surprise : les gens sont satisfaits de la présence des tortues. « Ma vision initiale était de retirer ces tortues du milieu : j’ai dû changer de paradigme. » La piste privilégiée serait de déplacer les tortues vers un site dédié. « Concernant la cistude, nous ne pouvons pas la réintroduire nous-même. C’est une décision qui entre dans un questionnement plus global de la fonction que nous souhaitons donner aux parcs urbains de demain : déversoirs d’espèces exotiques ou sanctuaire pour notre patrimoine naturel ? »
- Rendez-vous mercredi 5 juin de 16h30 à 17h30.
Le colloque en bref
Good to know
Chaque année, les colloques interdisciplinaires de l’Université de Strasbourg donnent la parole aux chercheurs de tous les champs de savoirs pour échanger sur des notions universelles. Cette cinquième édition prendra une envergure particulière car elle se tiendra à l'occasion des 10 ans de l'Université de Strasbourg et des 80 ans du CNRS.
La thématique à l’honneur – Environnement(s) – sera discutée au cours de communications d'enseignants-chercheurs et de chercheurs de l’Université de Strasbourg avec quatre interventions plénières de Barbara Demeneix (physiologie comparative, Muséum d’histoire naturelle de Paris), Jean Jouzel (climatologie/glaciologie, CEA), Agnès Michelot (droit international, Université de La Rochelle- CNRS), et Jean-Baptiste Fressoz (histoire des sciences, EHESS, Paris).
- Rendez-vous les 5 et 6 juin, amphithéâtre Cavaillès. Inscription avant le 27 mai. Tout le programme.
- Pour aller plus loin : lire notre interview de Valérie Lamour, vice-présidente déléguée recherche Interdisciplinarité et liens recherche-formation, dans l’Actu.