Le groupe «Tumor Biomechanics» (Inserm U1109) est le premier à montrer que la force du flux sanguin influe sur la localisation des métastases dans le cerveau. Ces résultats ont été publiés dans la revue Developmental Cell le 09 avril 2018. Décryptage avec Jacky Goetz.
10/04/2018
« Les cellules tumorales circulantes (CTC) se détachent parfois d’une tumeur et sont alors transportées dans le flux sanguin pour former des tumeurs secondaires, appelées métastases, dans d’autres organes. Nous nous sommes posés une question simple : comment s’arrêtent ces cellules tumorales avant de former des métastases ? », raconte Jacky Goetz, coordinateur du groupe au sein de l’unité Inserm U1109 (Institut national de la santé et de la recherche médicale) qui étudie ce mécanisme depuis 5 ans. Un mécanisme peu compris faute de modèles in vivo capables de décrypter à la fois l’hémodynamique et le comportement des cellules tumorales.
« Les CTC se fixent majoritairement dans des zones vasculaires où le flux sanguin atteint une vitesse d’écoulement faible. C’est le cas des vaisseaux capillaires, qui sont les plus fins des vaisseaux sanguins », poursuit le chercheur. En perturbant la force du flux sanguin dans ces zones particulières de petits vaisseaux, l’équipe de Jacky Goetz s’est rendue compte que le flux sanguin impactait l’endroit d’arrêt des cellules métastasiques, qui ne sont donc pas uniquement soumises à des contraintes physiques imposées par le diamètre des vaisseaux.
Des drogues pour réduire le risque d’apparition des métastases
L’autre découverte concerne le mécanisme de sortie de ces cellules de la région intravasculaire vers les tissus, où elles forment alors les métastases dangereuses. « Pour qu’il y ait formation de métastases, il faut que la cellule quitte le vaisseau sanguin. Dans ce mécanisme, nous avons remarqué que les parois du vaisseau n’étaient pas passives comme tout le monde le pensait. En réalité, les CTC peuvent obliger les parois du vaisseau à les expulser par un phénomène de remodelage. » Un phénomène favorisé par la vitesse du flux sanguin et la force exercée sur les parois du vaisseau.
Pour arriver à ces résultats, les chercheurs ont d’abord travaillé sur des embryons de poisson-zèbre avant de confirmer leurs approches sur des cerveaux de souris. Ils ont ainsi développé une technique d’imagerie corrélative en partenariat avec une équipe allemande. « Nous combinons l’imagerie sur un animal vivant à des images de microscopie électronique à haute résolution prises sur le cerveau de l’animal après sa mort. La combinaison des deux nous a permis de voir où les cellules tumorales s’arrêtaient et de mettre en évidence des détails de la paroi vasculaire jamais vus auparavant. »
Ces résultats ont été confirmés chez l’homme à travers une étude menée sur 100 patients atteints de différents cancers à Hambourg. Prochaine étape pour Jacky Goetz et son équipe : chercher à empêcher le phénomène de remodelage vasculaire. « Il existe certaines drogues permettant d’inhiber le remodelage vasculaire. Nous sommes en train de les tester sur tous nos modèles animaux. L’idée n’étant pas d’éradiquer les métastases mais de réduire leur risque d’apparition. »
Marion Riegert