La création du Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles (Lincs) au premier janvier 2022 est le résultat de la refonte du laboratoire Dynamiques européennes (Dyname). Le Lincs fait émerger un nouveau concept de laboratoire en sciences sociales dans le paysage scientifique strasbourgeois, comme l’explique Jérôme Beauchez, son directeur.
16/02/2022
Qu’est-ce que le Lincs ?
Le Lincs est une unité mixte de recherche CNRS-Unistra, issue d’une complète restructuration du laboratoire Dyname. « Le processus de création du Lincs a été une aventure collective », explique Jérôme Beauchez qui souligne l’implication des membres du laboratoire, ainsi que le soutien de l'Usias et des gouvernances de l’Unistra et du CNRS.
Le Lincs affiche « l’ambition de fonder un nouveau paradigme au sein des études culturelles. Héritier des Kulturwissenschaften* dont Strasbourg est un haut lieu historique, son projet s’inscrit également dans une conception des cultural studies* tournées vers l’enquête, soucieuses des dimensions empiriques de la recherche et nourries des apports croisés de l’anthropologie, de la sociologie et de l’histoire. »
Cette nouvelle unité de recherche se veut en relation directe avec les enjeux sociétaux et les acteurs institutionnels ou individuels « dont les façons de signifier leurs engagements, d’interagir et de concevoir le monde formeront le cœur des enquêtes ». Le Lincs se situe également dans une perspective transfrontalière, tournée tout spécialement vers l’Allemagne voisine, car « une grande partie de l’approche compréhensive en sciences sociales – l’interprétation des faits historiques et sociaux, l’importance de la culture dans le façonnement des individus – a été pensée dans les universités du Rhin supérieur », précise Jérôme Beauchez.
Quelle équipe ?
L’équipe du Lincs est composée d’une quarantaine de chercheurs et d’enseignants-chercheurs auxquels s’ajoutent une soixantaine de doctorants et deux personnels d’appui à la recherche (CNRS et Unistra). Tous les chercheurs de Dyname ont rejoint le Lincs, à quelques exceptions près. Les départs ont été remplacés et d’autres collègues continuent d’arriver, intéressés par cette nouvelle unité qui est la première et aussi la seule du Grand-Est à représenter la section 38 du CNRS (anthropologie et l’étude comparative des sociétés contemporaines). « En matière de ressources humaines, précise Jérôme Beauchez, nous souhaitons accueillir davantage de chercheurs CNRS, et nous avons un fort enjeu de renouvellement des postes de professeurs des universités, avec plusieurs départs à la retraite prévus dans les prochaines années ».
Quels objectifs ?
Les recherches menées au Lincs s’appuient sur la pratique d’une interdisciplinarité dont les matrices sont l’anthropologie, la sociologie et l’histoire contemporaine. Les enquêtes se polarisent autour de trois thématiques transversales : « incarner », « altériser » et « dévier ». Elles sont désignées par des verbes, car il s’agit de situer la recherche au plus près de l’action et des interactions. Ces trois thèmes ne désignent cependant pas des équipes, mais plutôt des sensibilités en matière de recherche que toutes et tous partagent à différents degrés au sein du Lincs. L’autre point commun entre les membres du laboratoire est que leurs travaux s’appuient sur des enquêtes empiriques – qu’elles relèvent des domaines de l’anthropologie, de la sociologie ou de l’histoire. L’idée des « études culturelles » qui fonde le projet du Lincs est indissociable de cette dimension empirique et de la priorité donnée aux enquêtes.
D’autre part, des liens nouveaux ou revivifiés seront mis en place avec la Suisse et l’Allemagne ; tant avec les établissements membres du campus européen Eucor – telles que les universités de Bâle, Fribourg-en-Brisgau et le Karlsruher Institute für Technologie – qu’avec les universités de Neuchâtel, Tübbingen, Heidelberg ou encore Sarrebruck.
Quant à la visibilité du Lincs, elle passera par une stratégie de publication de la recherche qui intégrera non seulement les productions académiques habituelles (les articles et les livres), mais aussi d’autres manières de « faire savoir » plus résolument tournées vers une pratique des « sciences sociales publiques » : en prise avec les grands enjeux sociétaux et en dialogue constant avec le monde social. C’est dire que le Lincs entend dépasser les frontières du seul monde académique et s’inscrire dans la perspective d’un véritable partage des savoirs. Jérôme Beauchez rappelle à ce sujet qu’« Émile Durkheim, l’un des pères-fondateurs de la sociologie et des sciences sociales modernes, disait que « nos enquêtes ne vaudraient pas une heure de peine si elles ne devaient avoir qu’un intérêt spéculatif » ; autrement dit : si elles devaient rester sans effet sur le changement social. »
Enfin, les répercussions de cette manière de concevoir la recherche en sciences sociales à Strasbourg sont également attendues dans le champ de la formation : en mettant en place un meilleur continuum recherche-formation, l’équipe du Lincs espère notamment réinventer le(s) master(s) adossés au laboratoire afin de mieux recruter les étudiants et les futurs doctorants.
* Littéralement études culturelles.