[Série] Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19 : virologie. Les chiffres sur la Covid-19 indiquent que les hommes ont plus de risques de développer une forme sévère de la maladie. En avril 2020, Samira Fafi-Kremer, directrice de l’Institut de virologie de Strasbourg, pilote une étude en collaboration avec les cliniciens du CHU de Strasbourg et des équipes de l’Institut Pasteur. Intitulée Serocov-HUS*, elle montre que les femmes présentent une immunité plus longue que les hommes face au virus.
09/12/2020
Les chercheurs se sont intéressés aux anticorps de 500 personnels hospitaliers des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) présentant un test PCR positif et des symptômes légers pour la majorité d’entre eux. Un premier prélèvement est réalisé 15 jours après le début des symptômes, puis à 3-6 mois.
« Nous avons remarqué que même les personnes présentant des symptômes légers peuvent développer des anticorps neutralisants », note la virologue qui précise que différents tests sérologiques sont utilisés. Deux tests dirigés contre la protéine spike, clé qui permet au SARS-CoV-2 de pénétrer dans nos cellules. Un autre sur la nucléocapside, protéine entourant le noyau du virus. Et un dernier évaluant le pouvoir neutralisant des anticorps, « ceux qui empêchent l’entrée du virus dans sa cellule-hôte. »
Les femmes mieux protégées par leur chromosome X ?
Résultat : « Les hommes de plus de 50 ans ou ayant un indice de masse corporelle supérieur à 25 présentent des anticorps élevés à 1 mois de symptômes. Cependant, leur taux d’anticorps baisse très vite au cours du temps contrairement aux femmes où il reste plus stable. « 3 à 6 mois après le début de l’étude, 32% des femmes ont un taux d’anticorps inchangé contre seulement 8% des hommes, ce qui indiquerait une immunité plus longue chez les femmes que chez les hommes. Et ce indépendamment de l’âge et de la masse corporelle. »
Comment l’expliquer ? « De manière générale, dans les infections, les femmes sont connues pour avoir une réponse immunitaire plus forte que les hommes probablement liée au chromosome X qu’elles ont en plus, qui porte la majorité des gènes impliqués dans la réponse immunitaire , et aux hormones sexuelles qui les protègent. A noter que cette différence hommes/femmes a été également rapportée par une équipe de l’Université de Yale qui a montré que les femmes ont une réponse cellulaire T anti-SARS-CoV2 plus robuste et plus stable dans le temps que chez les hommes. »
L’étude se poursuit jusqu’en juillet 2021
Autre constat de l’étude : Le pourcentage de personnes séropositives au SARS-CoV-2 est passé de 99% avec les tests dirigés contre la protéine S à 59% avec le test dirigé contre la nucléocapside. « Selon le test sérologique utilisé, il est possible de sous-estimer le nombre de personnes ayant contracté la Covid-19.»
L’étude se poursuit jusqu’en juillet 2021. Si la différence hommes/ femmes persiste au cours du temps, elle permettrait notamment de cibler les campagnes de vaccination plus seulement en fonction de l’âge mais aussi du genre.
Marion Riegert
* Débutée le 15 avril 2020, l’étude Serocov-HUS porte sur le suivi de la réponse immunitaire contre la Covid-19 de 1 500 personnels hospitaliers des HUS. 500 présentent un test RT-PCR positif, 500 ont des symptômes mais un test PCR négatif et 500 sont pris de manière aléatoire. Une publication est en préparation.
- Pour en savoir plus sur les travaux de Samira Fafi-Kremer, lire aussi notre article : « Covid-19 : connecter recherche fondamentale et clinique.»
Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19
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Psychologie, éthique, économie, histoire, virologie… nous sommes partis à la rencontre de chercheurs de différents domaines de l’Université de Strasbourg pour apporter un éclairage sur la crise du coronavirus.