Créée en 2008 à l’initiative de l’ONU, la journée mondiale contre la corruption commémore la convention internationale de Mérida, entrée en vigueur en décembre 2005. Mais tous les pays qui l’ont ratifiée ne répondent pas encore entièrement à ses exigences. C’est le cas de la France, récemment épinglée pour son laxisme dans la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers. Les choses sont peut-être en train de changer, comme l’explique Chantal Cutajar, maître de conférences à l’Unistra spécialiste des délits financiers. Elle est aussi élue à la ville de Strasbourg (PS), notamment en charge de la déontologie et de la démocratie locale.
Quelle est la situation de la France par rapport à la corruption ?
Chantal Cutajar : La France accuse un retard important dans la lutte contre la corruption, notamment du point de vue du droit. D’ailleurs cela est régulièrement dénoncé par les organismes internationaux chargés d’évaluer la situation des États. Dans son rapport de décembre 2014, le groupe de suivi de l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE) note ainsi que la France persiste à ne pas mettre en œuvre convenablement la convention de Mérida dans ses transactions commerciales internationales. Fait assez rare pour être signalé, l’OCDE a même publié sur son site une déclaration formelle à ce sujet.
En fait, si la lutte contre la corruption est bien encadrée sur le territoire national et plutôt conforme aux standards internationaux, il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit d’obtenir des marchés publics à l’étranger. En effet, pour décrocher ces marchés, certaines entreprises françaises ont encore tendance à corrompre des fonctionnaires étrangers.
On manque aussi de chiffres et de données objectives et on comprend aisément pourquoi : ni le corrupteur ni le corrompu n’ont intérêt à le dire ! En outre, les stratagèmes d’intermédiaires sont une manière de ne pas tomber sous le coup de la loi française : en effet, celle-ci interdit de verser un pot de vin à un édile étranger. Mais pas de passer par des intermédiaires qui gravitent autour des cercles politiques et financiers. On parle alors de trafic d’influence, et non de corruption. Et en matière de commerce international, ça n’est pas répréhensible.