Jeudi dernier, à l’ambassade de France à Berlin se tenait la remise des Prix d’excellence de l’Université franco-allemande (UFA). Parmi les lauréats, Manuel Gruber, jeune physicien et ancien doctorant de l’Université de Strasbourg et du Karlsruher Institut für Technologie, récompensé du prix de la meilleure thèse. Portrait.
31/01/2017
C’est une curiosité pour les processus à l’œuvre dans la nature qui pousse Manuel Gruber à s’intéresser à la physique. « J’éprouve une sorte de satisfaction à étendre sans cesse la compréhension d’un phénomène à un autre », explique le jeune chercheur de 29 ans originaire de Niederschaeffolsheim près de Haguenau.
Un bac S en poche et certain de son attrait pour cette science, Manuel suit une licence de physique, avant de poursuivre sa formation à l’Ecole Telecom Physique de Strasbourg. Une manière d’allier « des enseignements fondamentaux purs et durs à des choses plus techniques, plus appliquées. » L’ingénieur en herbe s’y découvre une passion pour la programmation informatique et les robots. Très investi dans le club de robotique de l’école, il participe même à une compétition. « Avec mon équipe, nous devions construire un robot capable de ramasser le plus possible de tomates, d'oranges et de maïs en l’espace de deux minutes, se rappelle-t-il avec amusement. On n’a pas forcément fini dans les premiers mais j’en garde un très bon souvenir. »
Magnétisme et molécules
Très vite, toutefois, il se rend compte que la recherche fondamentale l’attire énormément. L’envie de devenir chercheur s’affirme avec d’autant plus de force qu’il réalise un master de recherche en matière condensée et nanophysique en parallèle de sa dernière année en école d’ingénieurs.
Ce footballeur amateur, longtemps défenseur au FC Niederschaeffolsheim, ne le sait pas encore mais ses études le mèneront bientôt dans un autre pays où le ballon rond est roi. « J’avais envie de faire une thèse à Strasbourg tout en voyant d’abord un peu autre chose à l’étranger, raconte Manuel. Un groupe de recherche à Strasbourg m’a alors guidé vers une de leur collaboration à Karlsruhe. C’est là que l’histoire a commencé. » Il y fait un stage de six mois pour étudier le magnétisme de molécules déposées sur des surfaces. Enthousiasmé par cette expérience et la bonne entente régnant entre les groupes de recherche de part et d’autre du Rhin, il débute une thèse à cheval entre la France et l’Allemagne. Plus qu’une simple collaboration, une véritable cotutelle ! L’objectif : obtenir un diplôme commun aux deux universités. Durant sa thèse, il continue de sonder les propriétés électroniques et magnétiques de molécules et – fait de gloire – parvient même à « switcher » le magnétisme « de molécules à transition de spin », des espèces chimiques constituées d’un ion de fer entouré d’atomes de carbone et d’azote. « Le but ultime serait de créer de nouvelles formes de stockage informatique », explique-t-il.
Une expérience enrichissante
Avec le recul, il ne regrette pas ses séjours réguliers de quelques mois en Allemagne. « Je pense que ma thèse a été plus riche grâce à cela. » Il s’exerce en effet à de nombreuses techniques, côtoie plus de spécialistes et en profite pour améliorer considérablement son anglais et son allemand, lui qui confie pourtant « n’être pas le plus motivé quand il s’agit d’apprendre des langues étrangères ».
Aujourd’hui post-doctorant, il mène ses travaux de recherche à l’Université de Kiel, se focalisant sur une technique découverte en thèse : la microscopie à effet tunnel. « J’étudie la commutation de molécules sur des surfaces métalliques au sens large, sans plus me restreindre au magnétisme. » Très heureux d’avoir reçu le prix de la Meilleure thèse de l’UFA, « une reconnaissance pour le dur travail accompli », il encourage les aspirants-chercheurs à suivre un parcours de cotutelle similaire au sien. Mais pas à n’importe quelle condition. « Il faut vraiment veiller à avoir une collaboration qui est du sens d’un point de vue scientifique. » Si c’est le cas, alors il n’y a pas à hésiter car « hormis quelques tracasseries administratives, le reste c’est que du bonus ! »
Ronan Rousseau