Spécialiste du virus responsable du Sida, Jean-Christophe Paillart, chercheur à l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire (IBMC), revient sur l’essai clinique de phase 1 lancé par Moderna en vue de tester un vaccin à ARN contre le virus.
10/09/2021
Quelle est la genèse de l’essai clinique lancé par Moderna ? Y a-t-il un effet Covid ?
L’étude débute en 2017 avec un essai vaccinal utilisant une protéine d’enveloppe du VIH-1 pour stimuler la cellule B et produire des anticorps neutralisants à large spectre contre le virus. Les résultats viennent de tomber et ils se sont aperçus qu’il y avait une bonne stimulation de ces cellules. C’est un hasard qui est bien tombé même si la Covid a boosté les laboratoires qui travaillaient dans ce domaine depuis des années.
Pourquoi se tourner vers l’ARN messager ?
Afin d’améliorer le système et le simplifier, le laboratoire décide pour son essai clinique de se tourner vers un outil ARN en essayant de reproduire directement l’antigène dans la cellule. Dans le cas de la Covid-19, une fois injecté, l’ARN synthétise l’antigène, à savoir la protéine spike, et stimule la production d’anticorps. Pour le VIH, l’ARN messager synthétise la protéine d’enveloppe du virus et vient faire réagir notre système immunitaire. La difficulté par rapport au SARS-CoV-2, c’est que le VIH est peu immunogène, c’est-à-dire qu’il ne provoque pas de réponse immunitaire suffisante. On ne parvient pas à l’éliminer car il se cache du système immunitaire en s’intégrant dans ses celllules. Le virus, très mutagène, présente également beaucoup de variants. Dans ce cas, l’avantage de l’ARN, c’est qu’il est plus facile et plus rapide à générer. Une fois synthétisé, il suffit de changer une base ou deux pour changer la spécificité du vaccin.
Comment va se dérouler l’essai clinique ?
L’essai porte sur une cinquantaine de personnes séparées en quatre groupes d’étude. Deux groupes recevront chacun un vaccin à ARN ciblant un antigène différent, et les deux autres groupes recevront les deux vaccins à ARN simultanément. L’objectif de cette première phase est de tester s’il y a des réactions néfastes et si le vaccin produit bien une réponse immunitaire sur des sujets sains.
Quelle échéance ?
Les premiers résultats sont prévus d’ici 2023. Le premier vaccin ne devrait donc pas voir le jour avant une dizaine d’années. Pour le VIH, il y a moins d’urgence que dans le années 80/90 et aujourd’hui la maladie est bien contrôlée par les différents traitements, l’espérance de vie des personnes infectées est équivalente à la nôtre.
Propos recueillis par Marion Riegert
Good to know
L’équipe Ribonucléoprotéiques virales, incorporation du génome et assemblage de l’IBMC, dirigée par Jean-Christophe Paillart et Roland Marquet, étudie la réplication des rétrovirus (HIV, MPMV, MMTV) et des virus à ARN (virus de la grippe A). « Bien que l’ARN génomique viral soit souvent considéré comme un passager passif lors des étapes tardives du cycle réplicatif, nos travaux montrent que ces ARN sont en fait des acteurs actifs majeurs. Nous nous intéressons en particulier aux mécanismes moléculaires régissant l’encapsidation de l'ARN génomique et l’assemblage viral, ainsi que le rôle des protéines virales et cellulaires dans ces processus. A côté de cela, nous cherchons à comprendre comment certaines protéines cellulaires sont strictement exclues des particules virales du HIV-1, comme la protéine APOBEC3G, un facteur antiviral naturel exprimé dans nos cellules », détaille Jean-Christophe Paillart. Le développement de nouvelles méthodes d’analyse de la structure et de la fonction des ARN couplées au séquençage à haut débit jouent un rôle important dans ces thématiques. Outre leur intérêt fondamental, ces mécanismes pourraient également offrir de nouvelles stratégies d'interventions thérapeutiques.