Des singes et des hommes

06/09/2017

Fin août, l’Université de Strasbourg a accueilli la septième édition du colloque de la Fédération européenne de primatologie. Un événement qui s’est conclu par la visite du Centre de primatologie de Strasbourg où Hélène Meunier, chercheuse en éthologie, y étudie la cognition sociale chez des singes pour qui les écrans tactiles n’ont plus de secrets. Zoom sur ses recherches.

C’est devenu une habitude. Au Centre de primatologie (CdP) de Strasbourg, les macaques de Tonkean évoluant en semi-liberté font plusieurs fois par jour halte dans le cabanon en bois qui jouxte leur vaste enclos arboré. A l’intérieur, quatre modules dotés d’écrans tactiles sont à leur libre disposition. Lorsqu’un singe se présente devant l’un deux, l’écran s’illumine. De son plein gré, chaque individu peut ainsi se livrer à divers tests d’attention et de mémoire : reconnaître un symbole parmi des distracteurs, toucher successivement jusqu’à 12 cibles sans jamais retoucher la même, patienter jusqu’à l’apparition d’un flash lumineux avant de toucher l’écran, etc.

 

Dans cette vidéo, les singes participent à un test de mémoire à court terme consistant à toucher une succession de cibles. Pour augmenter leur réussite, les macaques finissent par adopter des stratégies comme procéder de gauche à droite plutôt que toucher les cibles sans sens prédéfini. Certains vont même jusqu'à échouer intentionnellement lorsque le test semble trop difficile ; le suivant sera peut-être plus facile. « Cela montre une forme de métacognition. Ils savent qu’ils ne vont pas y arriver ou que cela va durer trop longtemps, donc ils zappent », décrypte Hélène Meunier.

 

Libre de jouer

« Avec ces tests, on essaye de comprendre l’influence de différents facteurs socio-démographiques sur les performances cognitives des macaques, explique Hélène Meunier, primatologue rattachée au Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives (LNCA). Sont-elles affectées par l’âge, le sexe ou encore des facteurs sociaux tels que le rang hiérarchique ? » Autant de questions que la chercheuse explore en collaboration avec plusieurs doctorants, post-doctorants et stagiaires depuis l’installation en février 2016 de ce système de tests automatisé. Chaque module comprend un écran tactile, des antennes permettant de détecter et reconnaître individuellement les singes, mais aussi plusieurs caméras, des capteurs infrarouges, un système de suivi oculaire et un mécanisme – incontournable – de distribution de récompense. Il aura fallu trois ans à l’équipe pour développer un dispositif expérimental opérationnel. Son avantage ? « Il nous permet de tester différentes fonctions cognitives en même temps et sur un même individu, et ce, sans l’isoler de son groupe social et sans contrainte, explique Hélène Meunier. De plus, les données récoltées par ordinateur sont très fiables et facilitent la comparaison avec différentes espèces, dont l’homme. »

Grâce à ce système, Hélène Meunier et ses collaborateurs ont déjà pu établir une nette corrélation entre l’âge et les performances cognitives des macaques de Tonkean. « Un peu comme chez l’homme, celles-ci diminuent progressivement dès la maturité sexuelle qui est atteinte vers l’âge de 5 ans chez cette espèce. »

Le propre de l’homme en question

La chercheuse ne se contente pas de proposer des tâches d’attention et de mémoire aux singes. « On les prolonge par d’autres types de tâches, plus sociales, mettant en jeu des stimuli photographiques ou des vidéos de personnages réalisant des actions pro-sociales (coopération, partage, etc.) ou antisociales (entraves, refus de partager), souligne-t-elle. Ces vidéos ont déjà été présentées à des bébés humains de 3 à 18 mois et on compte bientôt les montrer à nos singes. » L’objectif est de mieux comprendre leur capacité à discriminer des intentions.

Qu’elle se fasse au moyen d’un outil numérique ou par l’observation directe, l’étude de la cognition sociale chez les primates constitue le cœur des recherches d’Hélène Meunier. « Je travaille principalement sur les origines de la théorie de l’esprit, c’est-à-dire la capacité à se projeter dans l’autre, à évaluer les états mentaux d’autrui. On a longtemps cru que cette aptitude était le propre de l’homme. Mais cette certitude a été remise en cause dans les années 2000 avec des études montrant que les grands singes disposaient des prérequis à la théorie de l’esprit. »

En étudiant si des singes plus éloignés de l’homme comme les macaques en possèdent certains traits, la primatologue tente de retracer l’histoire évolutive de divers comportements pour comprendre s’ils font, ou non, l’unicité de l’espèce humaine.

Ronan Rousseau​

La primatologie à l'honneur à Strasbourg

Plus d'informations

Du 21 au 25 août 2017, l’Université de Strasbourg a accueilli et co-organisé  pour la première fois le colloque de la Fédération européenne de primatologie (EFP) pour sa septième édition. Cinq jours durant, près de 250 scientifiques et étudiants de 26 nationalités différentes ont pu échanger autour de thématiques variées telles que la conservation (in situ, ex situ), l’écologie, la socialité, la cognition, la communication et l’évolution des primates.

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