Attaques terroristes, catastrophes naturelles, euthanasie… notre société est marquée par de grands deuils collectifs. Ces morts, abordées à travers différentes disciplines, sont au cœur du colloque « Mort traumatique, deuil traumatique » organisé par l’équipe d’accueil Subjectivité, lien social et modernité (Sulisom). Rencontre avec sa directrice, Marie-Frédérique Bacqué, qui évoque le cas des actes terroristes.
06/11/2019
11-Septembre, Bataclan… Exit l’image de la vie longue et paisible qui se clôt par une mort apaisée, place aux morts traumatiques, brutales et inattendues, les représentations collectives de la mort sont en train de changer. « Avec la multiplication des actes violents. La mort spectaculaire semble devenir l’archétype de la mort du 21e siècle en Occident », explique Marie-Frédérique Bacqué, directrice de l’équipe d’accueil Subjectivité, lien social et modernité (Sulisom) et professeure de psychopathologie clinique, spécialisée dans l’étude du deuil traumatique.
Qu’en est-il vraiment ? « La multiplication violente des morts est une représentation collective. En effet, d’un point de vue historique, nous sommes loin des chiffres de la Seconde Guerre mondiale. » Cette vision est notamment due aux médias, aux notifications permanentes des réseaux sociaux qui donnent une impression générale de danger. « Le 11-Septembre en est une illustration : ce jour-là le monde occidental assiste en direct à la mort de 3 000 personnes. »
Apporter un soutien psychologique rapide
Pour relativiser l’ambiance générale et limiter ces représentations collectives faussées, Marie-Frédérique Bacqué prône la prévention notamment auprès des plus jeunes. « Au Japon, dès la maternelle, les élèves ont des « ateliers de vie » qui permettent d’évoquer la vie mais aussi les séparations dont la mort. »
En cas d’attentat ou de catastrophe, la formation de spécialistes prêts à intervenir est aussi primordiale. « Depuis les années 90, chacun peut être sous le feu d’une fusillade mais tout le monde n’est pas traumatisé. Pour prévenir les situations post-traumatiques et les handicaps, il faut pouvoir apporter un soutien psychologique rapide et durable », souligne celle qui allie théorie et pratique.
Strasbourg, une ville à risque
« Les cellules d’urgence médico-psychologique ont cette mission. J’en ai eu l’expérience lors du crash du Concorde en 2000 avec le soutien des personnels funéraires. » A Strasbourg, il y a deux ans, Chantal Cutajar, adjointe au maire, sollicite également la chercheuse pour encadrer une équipe de psychologues-citoyens-référents. « Nous savons que Strasbourg est une ville à risque, avec d’autres collègues nous avons reçu une formation dans l’aide aux victimes en cas d’attentat. »
Ce monde traumatique ne se limite pas au terrorisme et concerne également le changement climatique. « Les menaces de catastrophes climatiques créent des peurs avec une part d’attentisme de la catastrophe finale. » Un attentisme qui pose la question des représentations collectives : « Pour faire agir nos contemporains, vaut-il mieux anticiper les conséquences ou mettre en avant les solutions ? »
Marion Riegert
- Pour aller plus loin, rendez-vous les 8 et 9 novembre au Palais universitaire, salle Pasteur et en Faculté de psychologie. Tout le programme ici.
Violences politiques et traumatismes
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En marge du colloque, la conférence « Violences politiques et traumatismes » se tiendra le 12 novembre de 16h à 18h au Conseil de l’Europe. « Nous évoquerons notamment le suivi des victimes du 11-Septembre et les tentatives de prévention réalisées par les Etats-Unis dans les écoles primaires en cas d’attaque terroriste. Des interventions qui font l’objet de débats car elles traumatisent parfois les enfants provocant l’effet opposé de celui escompté », détaille Marie-Frédérique Bacqué qui travaille sur les effets de ces fusillades et la création de solutions pour prévenir ces gestes meurtriers au côté de Steven Reisner, psychologue américain co-producteur du film de Michael Moore Bowling for Columbine. (Inscriptions en ligne obligatoires)