27/05/16
Sciences humaines et sociales
Cheikhmous Ali est syrien et chercheur associé de l’unité de recherche Archéologie et histoire ancienne : Méditerranée-Europe (Archimède). Spécialiste du Proche-Orient ancien, il crée en 2012 l’Association pour la protection de l’archéologie syrienne (Apsa), lorsque les premiers monuments et sites historiques sont touchés par la guerre. Depuis, il alerte les instances gouvernementales, la communauté scientifique et le public sur la destruction de ce trésor classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
Comment votre association s’organise-t-elle et parvient-elle à agir à distance ?
L’Apsa est divisée en deux groupes. Le plus important est un réseau de collaborateurs répartis dans plusieurs villes syriennes, qui nous informe des dommages causés au patrimoine grâce à l’envoi de photos ou de vidéos. De notre côté, nous étudions l’ampleur de ces détériorations avec les membres archéologues de l’association, dont plusieurs sont issus de l’équipe Archimède. Nous sollicitons aussi l’expertise de nos collègues de l’université et d’ailleurs, selon qu’il s’agit de lieux ou d’objets relatifs à l’époque romaine, hellénistique ou byzantine. Ce travail d’inventaire nous permet d’établir et de mettre à jour des rapports destinés aux institutions telles que l’Unesco, ou bien Interpol lorsqu’il s’agit d’objets pillés ou volés dans les musées. La fréquence de ces informations dépend bien sûr de la situation sur place. Nous sommes aussi dépendants de l’évolution du conflit. Justement, on observe plusieurs revirements de situation, comme la reprise de Palmyre par les troupes gouvernementales, fin mars. Est-ce que ces inflexions garantissent une meilleure protection du patrimoine ?
Non. Les médias ont beaucoup communiqué sur les exactions commises par Daech à Palmyre. Mais la cité subit des dégradations successives depuis 2012. Quel que soit l’acteur militaire présent, un bâtiment ou un site archéologique occupé reste en danger puisqu’il devient une cible. Ces occupations bouleversent aussi l’archéologie des sols, à cause des bulldozers et autres engins de terrassement, utilisés pour tracer des routes, creuser des fosses et des buttes de protections. En ce qui concerne le pillage et les fouilles clandestines, il s’agit malheureusement d’un commerce de guerre et quelle que soit la force en présence, une partie profite et entretient ce trafic. C’est dramatique, car chaque objet extrait de son niveau géologique perd toute sa valeur scientifique, même s’il s’agit d’un simple morceau de céramique. Quelles sont les actions envisagées à partir du travail de collecte de l’Apsa ?
Lorsque cela est possible, nous conseillons nos collaborateurs en Syrie pour protéger ou consolider des monuments menacés. Nous sommes par ailleurs très sollicités dans les discussions concernant les programmes de restaurations post-conflits. Malgré l’état de guerre et la situation humanitaire qui sont prioritaires, la réhabilitation d’un tel patrimoine exige énormément de réflexions et de préparations. Il faudra avant tout veiller à préserver l’identité des sites archéologiques et des monuments. Cela peut représenter plusieurs années d’investissements selon l’étendue des dommages et il y aura nécessairement des phases de négociations politiques et scientifiques. Guillaume Thépot
L’Apsa est divisée en deux groupes. Le plus important est un réseau de collaborateurs répartis dans plusieurs villes syriennes, qui nous informe des dommages causés au patrimoine grâce à l’envoi de photos ou de vidéos. De notre côté, nous étudions l’ampleur de ces détériorations avec les membres archéologues de l’association, dont plusieurs sont issus de l’équipe Archimède. Nous sollicitons aussi l’expertise de nos collègues de l’université et d’ailleurs, selon qu’il s’agit de lieux ou d’objets relatifs à l’époque romaine, hellénistique ou byzantine. Ce travail d’inventaire nous permet d’établir et de mettre à jour des rapports destinés aux institutions telles que l’Unesco, ou bien Interpol lorsqu’il s’agit d’objets pillés ou volés dans les musées. La fréquence de ces informations dépend bien sûr de la situation sur place. Nous sommes aussi dépendants de l’évolution du conflit. Justement, on observe plusieurs revirements de situation, comme la reprise de Palmyre par les troupes gouvernementales, fin mars. Est-ce que ces inflexions garantissent une meilleure protection du patrimoine ?
Non. Les médias ont beaucoup communiqué sur les exactions commises par Daech à Palmyre. Mais la cité subit des dégradations successives depuis 2012. Quel que soit l’acteur militaire présent, un bâtiment ou un site archéologique occupé reste en danger puisqu’il devient une cible. Ces occupations bouleversent aussi l’archéologie des sols, à cause des bulldozers et autres engins de terrassement, utilisés pour tracer des routes, creuser des fosses et des buttes de protections. En ce qui concerne le pillage et les fouilles clandestines, il s’agit malheureusement d’un commerce de guerre et quelle que soit la force en présence, une partie profite et entretient ce trafic. C’est dramatique, car chaque objet extrait de son niveau géologique perd toute sa valeur scientifique, même s’il s’agit d’un simple morceau de céramique. Quelles sont les actions envisagées à partir du travail de collecte de l’Apsa ?
Lorsque cela est possible, nous conseillons nos collaborateurs en Syrie pour protéger ou consolider des monuments menacés. Nous sommes par ailleurs très sollicités dans les discussions concernant les programmes de restaurations post-conflits. Malgré l’état de guerre et la situation humanitaire qui sont prioritaires, la réhabilitation d’un tel patrimoine exige énormément de réflexions et de préparations. Il faudra avant tout veiller à préserver l’identité des sites archéologiques et des monuments. Cela peut représenter plusieurs années d’investissements selon l’étendue des dommages et il y aura nécessairement des phases de négociations politiques et scientifiques. Guillaume Thépot
- Plus d’information sur le site internet et la page Facebook de l’Apsa