[Série] Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19 : essai thérapeutique. En cas de Covid-19, le risque de décès triple chez les patients hospitalisés des services de gériatrie. Pour tenter de diminuer ce taux de mortalité, Frédéric Blanc, chercheur au laboratoire ICube, épaulé par son collègue Nicolas Meyer, a débuté mi-mai l’essai clinique Covid-Aging. Une étude multicentrique et adaptative sur différents médicaments qui regroupe des hôpitaux universitaires de toute la France.
08/06/2020
« La maladie Covid-19 est éminemment gériatrique. La physiologie variant en fonction des âges, un médicament efficace chez l’adulte de 40/50 ans pourrait avoir des conséquences négatives sur des personnes plus âgées », souligne Frédéric Blanc qui précise que les essais thérapeutiques existants n’incluaient pas ou peu les personnes âgées hospitalisées.
Le chercheur d’ICube, également membre du pôle de gériatrie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), décide alors de lancer un essai thérapeutique pour les patients de plus de 75 ans, incluant les plus de 60 ans atteints de troubles cognitifs, ayant des symptômes liés au Covid-19 nécessitant une hospitalisation. Son idée ? Opter pour la multiplicité des médicaments en testant des molécules avec peu d’effets secondaires facilement utilisables.
Différents retards
Première étape : explorer la littérature publiée depuis janvier. « Nous avons regardé les médicaments qui paraissaient intéressant, à la fois sur des données in vitro et par rapport au Sars-cov 1. » Quatre thérapies sont retenues : le telmisartan, 40 mg deux fois par jour, un antihypertenseur qui agirait sur l’entrée du virus dans la cellule. L’azithromycine, 250 mg deux fois par jour, un antibiotique bactériostatique ayant une efficacité antivirale sur les maladies pulmonaires. L’hydroxychloroquine, 200 mg deux fois par jour, utilisée pour les maladies auto-immunes. Et le traitement standard (oxygène, apport nutritif…). Le critère de jugement principal étant la survie à 14 jours.
Après présentation devant le Comité de protection des personnes et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), mi-avril, les essais sont autorisés. « Nous avons obtenu un financement du Programme hospitalier de recherche clinique (PHCR) le 5 mai, soit plus d’un mois après la demande initiale. Il a fallu également passer par Sanofi pour l’utilisation de l’hydroxychloroquine qui n’a donné une réponse positive que le 22 avril. » Du fait de ces lenteurs, les essais commencent tardivement, mi-mai, au moment où le nombre de cas est en nette diminution.
Les essais incluant l’hydroxychloroquine suspendus
Nancy, Anger, Limoges, Bischwiller, Lyon, Paris, Bordeaux… les hôpitaux universitaires participant à l’étude n’ont alors pas ou peu de patients et seules une dizaine de personnes sont inclues dans le protocole pour le moment. « Il faudrait 1 600 patients pour avoir suffisamment de données soit 400 par groupe. Dès 80 à 100 patients, nous pensons faire une première analyse statistique et adapter l’essai si besoin. En arrêtant un médicament s’il est inefficace ou que son effet est délétère et en le remplaçant par un autre », détaille Frédéric Blanc qui espère disposer des premiers résultats à l’automne.
En parallèle, le chercheur, en contact au niveau national avec des collègues travaillant sur le virus auprès des personnes âgées, envisage de « rassembler les forces autour de l’hydroxychloroquine notamment. Le 27 mai, l’ANSM a demandé de suspendre les essais incluant cette molécule mais nous espérons reprendre pour savoir si oui ou non elle est efficace. »
Marion Riegert
Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19
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Psychologie, éthique, économie, histoire, virologie… nous sommes partis à la rencontre de chercheurs de différents domaines de l’Université de Strasbourg pour apporter un éclairage sur la crise du coronavirus.