Côté médecine, le second cerveau se situe plutôt au niveau de l’intestin. Mais pourquoi parle-t-on d’un deuxième cerveau ? « Dans la paroi du tube digestif et en particulier de l’intestin, on trouve de nombreux neurones organisés en deux plexus nerveux qu’on appelle le système nerveux myentérique ; celui-ci interagit fortement avec le système musculaire lisse digestif, et aussi avec les cellules inflammatoires du système inflammatoire et immunitaire digestif. On parle souvent de deuxième cerveau surtout pour le système nerveux intestinal qui est extrêmement développé», explique Jean-Marie Reimund, professeur des universités qui enseigne la gastro-entérologie.
Il poursuit : « Le système nerveux digestif présente des similitudes avec le système nerveux central. Notre tube digestif est innervé par le nerf vague qui le connecte avec notre cerveau ». Un dialogue s’établit ainsi entre le système nerveux central et digestif. Par exemple, l’estomac transmet à travers des récepteurs du goût et des récepteurs mécaniques des informations à notre cerveau qui vont participer à la régulation de la digestion, de la motricité digestive ou encore à déterminer la sensation de satiété. Si une anomalie de fonctionnement se manifeste au niveau du système nerveux digestif, un message ascendant va être transmis au cerveau qui va intégrer ce message d’inconfort et générer une perception négative de notre système digestif.
Inversement, un état de stress peut engendrer des répercussions sur notre système digestif : diarrhées, maux de ventre… « L’hyperactivité de certains centres d’activité va entrainer l’envoi d’informations perturbées qui font que le tube digestif fonctionne de manière anarchique. C’est ce qui se passe par exemple chez les étudiants avant un examen ou avant un entretien professionnel important, situations où beaucoup d’entre nous ont des symptômes digestifs … on a un peu « la peur au ventre » », précise notre chercheur.
Un système difficile à étudier
Lorsque l’on mange le cerveau intervient également et notre système nerveux central intègre une série d’informations dont certaines sont liées à notre passé et notre environnent culturel. « Cela fait partie de nos critères de jugement, savoir si un aliment est bon pour moi ou non. Cela dépend aussi de notre éventuelle expérience antérieure avec un aliment. Si nous avons par le passé consommé un aliment avarié qui nous a rendu malade, on aura souvent une certaine appréhension à le consommer à nouveau et peur qu’il nous rende malade. »
Les recherches effectuées sur le sujet d’un point de vue neurologique sont récentes. Et pour cause : « Le système nerveux digestif est difficile à étudier, car il se situe dans les couches profondes de l’intestin. Les maladies qui donnent des symptômes digestifs liés à un dysfonctionnement du système nerveux digestifs (les troubles fonctionnels intestinaux, qui sont fréquents) ne donnent pas de lésions visibles. Nous sommes dans le domaine microscopique », souligne Jean-Marie Reimund. Grâce à l’IRM fonctionnelle, les chercheurs peuvent toutefois de mieux en mieux voir quelles zones du cerveau sont activées en fonction d’éventuels symptômes digestifs et mieux comprendre les troubles fonctionnels intestinaux. Des troubles du système nerveux intestinal peuvent également compliquer des maladies neurologiques comme la sclérose en plaque, et expliquer les symptômes digestifs qu’ont certains de ces patients.
Un conseil pour être bien dans son cerveau comme dans son intestin? « Consommer les excitants avec modération et veiller à l’équilibre de son alimentation », conclut Jean-Marie Reimund qui souligne qu’il n’y a pas de régime idéal.
Marion Riegert