Depuis sa présentation jusqu’à sa mise en place effective à la rentrée 2016, la réforme du collège n’a pas manqué de soulever de vifs débats au sein du corps enseignant mais aussi dans la société civile. Alors qu’élèves et professeurs s’adaptent, de bonne grâce ou pas, à leur nouveau quotidien, que penser de cette réforme qui divise ? Pour Pascal Marquet, chercheur en sciences de l’éducation et directeur du Laboratoire interuniversitaire des sciences de l’éducation et de la communication (LISEC-Alsace), cette réforme est avant tout un pari sur l’avenir.
22/09/2016
En tant que spécialiste en sciences de l’éducation, comment accueillez-vous cette réforme du collège ?
Je pense qu’il est toujours intéressant de faire évoluer le système éducatif. Le collège constitue une charnière fondamentale entre le primaire, qui pose le socle des compétences à acquérir pour vivre et travailler au 21e siècle, et le lycée, où l’on prépare les élèves à devenir des acteurs de la société. En 1975, on est passé au collège unique. Aujourd’hui, il faut adapter ce collège unique à ce que sont devenus les élèves, à ce qu’est la société. Je pense que l’on peut raisonnablement faire confiance aux personnes qui ont élaboré cette réforme. A vrai dire, nous sommes dans un contexte classique de changement de société où il est tout bonnement impossible de contenter tout le monde. Cette réforme est avant tout un pari sur l’avenir.
Il n’existe donc pas de recette toute trouvée pour « sauver » l’éducation ?
Il faut savoir qu’il est très difficile de piloter un système éducatif. On peut s’en convaincre grâce aux fameuses études PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) qui comparent les systèmes éducatifs de l’OCDE et établissent un classement des différents pays. Quand on s’intéresse à ce qui caractérise des systèmes éducatifs en haut ou au contraire en bas de classement, on se rend compte qu’aucune variable ne permet véritablement d’expliquer pourquoi un système marche aux dépens d’un autre. Par exemple, la durée de formation des maîtres peut être la même dans un système réputé performant et dans un système moins bien noté. Toutefois, deux critères semblent significatifs pour prédire si tel ou tel système éducatif va ou non marcher. Le premier, c’est la disparité sociale. Plus elle est marquée, plus le système éducatif est fragile. Autrement dit, la cohésion sociale est un prédicteur de la bonne santé du système éducatif. Le second critère, c’est le pourcentage du PIB qu’une nation investit dans son éducation. D’un point de vue très global, la réussite d’un système éducatif dépend donc principalement de l’état de la société et de la quantité de richesse nationale injectée dans l’éducation. Aussi, au-delà des modalités de la réforme du collège, la vraie question que l’on est en droit de se poser peut se résumer à : quels seront les moyens effectivement mis en place ?
Selon vous, quel changement majeur va apporter cette réforme en ce qui concerne les pratiques pédagogiques et l’apprentissage des élèves ?
Elle introduit une approche interdisciplinaire dans les enseignements. Les professeurs de différentes disciplines ont dorénavant l’obligation de travailler sur des projets communs. Je pense que la réforme entérine des pratiques déjà en partie en place et qui ont montré leur intérêt. L’introduction réglementée de projets interdisciplinaires et la formalisation du travail en groupe sont utiles pour préparer les élèves au monde d’aujourd’hui. Dans une vie professionnelle où l’on n’est finalement jamais isolé, il y a un enjeu fort sur la capacité des uns et des autres à travailler ensemble. Les élèves doivent développer des compétences sociales ou transversales plus tôt. Cette approche interdisciplinaire peut redonner du sens à l’école pour un certain nombre d’enfants. Ceux pour qui l’école se résume à s’assoir, écouter, être passif, ne rien comprendre et accumuler du retard et des échecs.
Recueilli par Ronan Rousseau
La réforme du collège en bref
Good to know
- Le volume de cours hebdomadaire est plafonné à 26 heures.
- Les collèges disposent de 20% de l’emploi du temps pour réaliser du travail en groupes réduits, de l'accompagnement personnalisé (AP) ou des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI).
- Les EPI deviennent obligatoires dès la 5e.
- L'apprentissage d'une deuxième langue vivante débute en 5e, soit un an plus tôt qu'auparavant.
- Une partie des classes bilangues et européennes est supprimée.
- Le latin et le grec ne sont plus enseignés que dans le cadre de l'EPI "Langues et cultures de l'Antiquité".