Dans une publication parue fin septembre dans Nature, des chercheurs du laboratoire Géosciences environnement de Toulouse et de l’Institut terre et environnement de Strasbourg (Ites)1 ont remis en cause l’hypothèse établie selon laquelle le mercure présent dans l’océan proviendrait essentiellement de l’eau de pluie. Retour sur 10 années de recherches avec Jérémy Masbou, chercheur à l’Ites.
12/10/2021
Chaque année, quelque 2 500 tonnes de mercure sont émises dans l’atmosphère par la combustion du charbon et de l’orpaillage. Soit 90% dus à l’activité humaine, les 10% restant provenant de sources naturelles comme les volcans. Un mercure gazeux qui circule à la surface du globe et peut rejoindre ensuite les océans où il se concentre à chaque étape de la chaine alimentaire. Il s’accumule ainsi depuis le phytoplancton jusqu’aux mammifères marins, en passant par les poissons qui se retrouvent dans nos assiettes.
Jérémy Masbou et ses collègues du laboratoire Géosciences environnement de Toulouse, où il soutient sa thèse en 2014, sont parvenus à retracer les sources de ce mercure océanique. Et ce grâce à une mesure des signatures isotopiques du mercure dans l’océan. Une prouesse technique en raison de sa faible concentration dans ce milieu.
« Nous avons récolté une centaine d’échantillons d’eau de mer jusqu’à 4 500 mètres de profondeur mais aussi des échantillons d’air et de précipitations, de poissons et de sédiments. Nous avons ainsi pu estimer que 50% du mercure gazeux était directement absorbé par l’océan, le reste provenant de l’eau de pluie. » Une découverte qui remet en cause l’hypothèse selon laquelle 75% du mercure présent dans l’océan proviendrait de l’eau de pluie.
Le mercure gazeux capté largement par la végétation ?
Les chercheurs ont également découvert que la quantité globale de mercure déposée dans l’océan était probablement plus basse que celle qu’ils estimaient. « Nous pensons qu’une partie importante du mercure atmosphérique se retrouve capté par la végétation terrestre sans passer dans la chaine alimentaire », poursuit Jérémy Masbou qui a travaillé plus particulièrement sur l’implémentation des modèles et les échantillons biologiques.
Arrivé en 2016 à l’Ites, il continue de développer des méthodes d’analyse isotopique du carbone et de l’azote cette fois, pour tracer les pesticides dans les eaux de surface et souterraine. L’étude du mercure se poursuit quant à elle à Toulouse, « nous n’avons pas répondu à toutes les questions et notamment celle de la méthylation, qui reste peu connue. Une fois dans l’océan, le mercure est méthylé par certaines bactéries, il devient ainsi une molécule organique très toxique qui entre dans la chaine alimentaire. Une des questions étant de savoir si ce phénomène est influencé par le changement climatique. »
Marion Riegert
1 Laboratoire de l'École et observatoire des sciences de la terre (EOST), sous tutelle de l'Université de Strasbourg, du CNRS et de l'École nationale du génie de l'eau et de l'environnement de Strasbourg (Engees).