Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19 : génétique. En étudiant des patients de moins de 50 ans, sans comorbidités, hospitalisés et intubés en réanimation, des chercheurs strasbourgeois de l’unité mixte de recherche Immuno-rhumathologie moléculaire et de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien en collaboration avec les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, sont parvenus à identifier un gène impliqué dans les formes sévères de Covid-19. Le tout, en collaboration avec des équipes américaines.
22/11/2021
Pourquoi des patients jeunes sans comorbidités ni facteurs de risque se retrouvent-ils intubés en réanimation avec un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) ? Pour tenter de répondre à cette question, des chercheurs se sont penchés sur les facteurs moléculaires à l’origine de ce syndrome. L’étude débute dès la première vague de Covid-19 en mars/avril 2020 sur des personnes de moins de 50 ans. Dans la cohorte, 47 patients hospitalisés et intubés en réanimation, 25 en secteur conventionnel et 22 individus sains.
« Beaucoup d’études publiées sur la Covid-19 portent sur un paramètre, nous avons opté pour une approche multi-omique à travers l’analyse de différents types de molécules : ADN, ARN, protéines, cellules immunitaires, ainsi que des paramètres virologiques », détaille Raphaël Carapito, chercheur dans l’unité de recherche Immuno-rhumathologie moléculaire.
Un ordinateur quantique
L’étude permet ainsi de caractériser l’emballement immunitaire présent chez les patients atteints de SDRA, sans oublier de montrer leur état inflammatoire. « Pour analyser le grand nombre de données récoltées et identifier les signatures de gènes différenciant les cas critiques des non critiques, nous nous sommes tournés vers l’intelligence artificielle. Et ce via une collaboration avec l’Institut d’intelligence artificielle de l’entreprise biotechnologique Genuity Science aux Etats-Unis et l’Université Californie Sud qui nous a fourni un accès à un ordinateur quantique. »
Les chercheurs parviennent à identifier une signature de 600 gènes permettant de différencier les patients en réanimation des autres. Parmi eux, Adam9, un gène « driver », c’est-à-dire qui provoque une réponse inflammatoire sévère, est présent de manière plus importante chez les patients critiques. « Il est intéressant car la protéine codée par ce gène interagit avec le virus. Dans un modèle cellulaire, nous avons bloqué l’expression du gène montrant ainsi que les cellules s’infectent moins bien. »
Une cible thérapeutique intéressante
Pour aller plus loin, les chercheurs ont ensuite montré que cette signature est également présente chez les patients présentant des comorbidités. « Elle différencie de manière générale les cas sévères des non sévères. »
Le gène représente une cible thérapeutique intéressante. « D’autres études sont nécessaires pour confirmer cette découverte. Nous continuons à travailler sur ce gène pour comprendre ce qui se passe au niveau moléculaire, les interactions avec le virus… », souligne Raphaël Carapito qui cherche à bloquer dans des modèles in vitro les interactions de la protéine Adam9 avec le virus grâce à des anticorps monoclonaux. « Nous employons plus précisément des anticorps proches d’un anticorps thérapeutique actuellement en essai clinique pour le traitement de certains cancers dans lesquels le gène est impliqué. »
Marion Riegert
- Retrouvez l’étude parue dans Science translational medecine et le communiqué de presse.
Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19
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Psychologie, éthique, économie, histoire, virologie… nous sommes partis à la rencontre de chercheurs de différents domaines de l’Université de Strasbourg pour apporter un éclairage sur la crise du coronavirus.