Armes à feu aux États-Unis : le prix de la liberté

04/04/2018

Régulièrement, l’actualité des États-Unis est marquée par des fusillades. A chaque fois, l’évènement relance le débat sur le port d’armes. Un droit qu’aucun président n’est parvenu à remettre en cause. Ghislain Potriquet, enseignant-chercheur au laboratoire Savoirs dans l'espace anglophone : représentations, culture, histoire (SEARCH), remonte le temps jusqu’au IXe siècle et revient sur l’histoire de ce symbole de liberté pour les Américains.

Lorsque Ghislain Potriquet, chercheur en histoire américaine, donne des cours à ses étudiants, le sujet des armes à feu est incontournable. Ce rapport aux armes est indissociable de l’histoire du pays et ne date pas d’hier mais plutôt du IXe siècle. « En Angleterre, le roi Alfred veut que ses sujets soient capables de défendre le royaume. On pense que c’est à cette époque que le port d’armes devient un droit et un devoir à la fois. C’est toute l’ambiguïté : est-ce que c’est un droit individuel ou une obligation collective ? », souligne l’enseignant-chercheur.

Le droit s’est précisé et développé au fil des siècles. Sous Henri VIII, chaque père doit enseigner à ses fils le tir à l’arc. L’étape suivante, a lieu au XVIIe siècle dans les îles britanniques. « Lors de la Glorieuse révolution, le roi Jacques II est détrôné par des protestants. Guillaume d’Orange lui succède après avoir signé une charte des droits. » Parmi eux, celui de détenir une arme pour permettre aux protestants de défendre le pays contre une éventuelle contre-offensive catholique.

Le symbole de la conquête de l’Ouest

Un siècle plus tard, dans les colonies britanniques en Amérique du Nord, la guerre est gagnée en grande partie grâce à des milices de citoyens armés. En 1783, les États-Unis déclarent leur indépendance avant de s’unir en 1787 à travers l’adoption d’une nouvelle constitution. Le droit de porter des armes est inscrit dans le second amendement adopté en 1791. Il suit immédiatement le premier amendement qui protège la liberté de la presse. « C’est un droit individuel à visée collective qui est de pouvoir résister à un éventuel despote. Les armes à feu sont ensuite devenues le symbole de la conquête de l’Ouest. Aujourd’hui, elles sont le symbole d’une liberté que les Américains ont gagné et qu’ils veulent préserver. »

Cet amendement est resté intact car il concerne le droit fédéral. « Il semble impossible de le remettre en cause, car on toucherait alors à cet équilibre très sensible entre l’État fédéral et les États fédérés. Le changement ne peut venir que de ces derniers. » Les États américains peuvent légiférer ce droit en instaurant un âge minimum, en l’interdisant aux gens ayant un casier judiciaire, aux déséquilibrés ou encore en interdisant certaines armes automatiques... « Il y a eu pas mal de restrictions dans les années 30 à l’époque de la prohibition. Aujourd’hui, des États sont plus permissifs que d’autres comme ceux du sud où certains autorisent le port d’une arme de manière ostentatoire. »

Comme un paquet de lessive

Pour Ghislain Potriquet, l’attachement affectif à cet objet montre que les Américains vivent avec une peur de l’autre. « Si les cambrioleurs ont la possibilité d’avoir une arme, il m’en faut une pour me protéger. Chaque communauté ethno-raciale s’arme par peur de l’autre, c’est un cercle vicieux… » Modèle taille enfant, pour femmes, pour hommes, « les gens peuvent en acheter n’importe où et repartent avec comme un paquet de lessive. C’est un objet qui fait partie des indispensables, au même titre qu’une tente ou une canne à pêche. On les collectionne aussi, comme on collectionnerait de belles motos vintage. »

Sans parler de la National Rifle Association, groupe d’intérêt très puissant dans le pays né après la guerre de Sécession. « Il serait faux de dire qu’elle achète des votes. La NRA n’a pas le pouvoir de l’argent mais elle arrive à mobiliser ses adhérents pour faire pression sur les politiques. Lors de la fusillade qui a eu lieu le 14 février en Floride, elle a pointé les dysfonctionnements et notamment le fait que le tireur était connu et signalé, sans parler de l’agent de sécurité armé qui n’est pas intervenu. » Son argument ? « Ce ne sont pas les armes qui tuent mais les gens… »

Marion Riegert

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