C’est un rituel. Nous passerons à l’heure d’été dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 mars. Dimanche, à deux heures du matin, il sera ainsi officiellement trois heures. Certains regretteront la perte d’une heure de sommeil quand d’autres redouteront un bouleversement de leur horloge interne. Qu’en est-il vraiment ? Paul Pévet, spécialiste de la neurobiologie des rythmes et président de Neurex, réseau trinational dans le domaine des neurosciences, nous éclaire.
25/10/2016
Deux fois dans l’année, nous avançons ou reculons nos montres d’une heure. Ces changements d’heure ont-ils une incidence sur notre santé ?
En ce qui concerne le passage à l’heure d’hiver, aucun effet sur la santé n’a été mis en évidence. En revanche, en mars, le passage à l’heure d’été suscite en général beaucoup de plaintes. Les médecins décrivent des fatigues, en particulier chez les enfants. Certains mettraient plusieurs semaines à s’adapter. Si les troubles observés sont réels, ils sont très probablement causés par un déficit de sommeil lié à notre organisation sociale plutôt qu’à une désynchronisation de nos rythmes biologiques. Chez l’animal comme chez l’homme, les études ont démontré qu’il faut un décalage de trois à quatre heures pour observer un trouble ou un mal être. En deçà, on ne s’en rend pas compte. Par exemple, les touristes ou personnes qui voyagent en Angleterre ou au Maroc ne se plaignent jamais du décalage horaire (pourtant de 1 à 2 heures selon les saisons).
Qu’entend-on par horloge biologique ? Comment fonctionne-t-elle ?
Il y a plusieurs types d’horloges. Le siège de notre horloge principale est situé à la base du cerveau. Ce sont les noyaux suprachiasmatiques de l’hypothalamus. On les désigne sous le terme d’horloge circadienne principale en raison de leur fonctionnement autonome et journalier. En situation d’isolement – dans une grotte, par exemple – ils obéissent à un cycle d’approximativement 24 heures. En condition normale, cette horloge se synchronise sur une période d’exactement 24 heures grâce à l’alternance du jour et de la nuit. Ainsi, elle nous permet de vivre en phase avec notre environnement. Toutefois, il existe beaucoup d’horloges secondaires dans notre corps. Leur cycle est sous la dépendance de l’horloge circadienne principale mais elles réagissent également à d’autres facteurs synchronisateurs tels que la prise de nourriture, la température, etc. Certaines sont ainsi très sensibles à l’effet synchronisateur des repas.
Du fait de la diversité de ces horloges, est-il facile de dérégler nos rythmes biologiques ?
En effet, le monde moderne, avec le travail de nuit, le travail posté et l’omniprésence des lumières, peut déstructurer nos rythmes biologiques. L’ensemble de nos horloges internes doivent être coordonnées pour que notre organisme fonctionne de façon optimale. Quand elle est chronique, une désynchronisation entre notre horloge circadienne et nos horloges périphériques est à l’origine de nombreuses pathologies : diabète, obésité, problèmes cardiaques voire même cancers. Tous les organismes vivants, y compris l’homme, sont faits pour vivre selon des mécanismes rythmiques qui anticipent les changements de l’environnement. C’est une question de survie.
Recueilli par Ronan Rousseau
Plus d'informations
Pour en savoir plus, lire « Le corps horloge » paru dans #Savoir(s), le magazine d’information de l’Unistra.
Strasbourg a les rythmes biologiques dans la peau
Good to know
- 4 équipes de recherche se consacrent directement à l'étude des rythmes biologiques.
- 5 autres équipes intègrent la notion de rythmes biologiques dans leurs problématiques.
- 2 plateformes expérimentales uniques en Europe, le Chronobiotron et le CIRCSom, permettent de mener des études sur des modèles animaux et chez l'homme, respectivement.