Chanvre thérapeutique, « L’industrie pharmaceutique accuse un certain retard »

07/04/2021

Atteint de sclérose en plaque, Franck Milone, 29 ans, trouve dans l’ingestion de fleurs de cannabis un moyen d’améliorer sa qualité de vie. Convaincu des vertus thérapeutiques de la plante, il crée un laboratoire baptisé LaFleur au sein de son entreprise Delled. Objectif : commercialiser des médicaments à base de cannabis d'ici 2024. Une aventure à laquelle participe Christian D. Muller, chercheur CNRS à l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC).

« Je n'aurais jamais osé me lancer dans la recherche sur le cannabis si je n’avais pas été en fin de carrière », sourit Christian D. Muller qui travaille depuis 30 ans sur la maladie de Crohn et les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, au sein de l’équipe Chimie analytique des molécules bioactives et pharmacognosie de l'IPHC. Le chercheur entre dans le monde du chanvre thérapeutique en participant au comité scientifique de l’Union francophone des cannabinoïdes en médecine (UFCM) en 2016, suite au décès de son neveu. « Il souffrait d’un lymphome et prenait des gouttes d'huile de CBD pour soulager les effets secondaires de son traitement et lui rendre l'appétit. Témoin des effets bénéfiques de la prise de chanvre médicinal, je l’ai remplacé naturellement après son décès au sein de l’association UFCM I Care dont j'avais pu constater la valeur scientifique. »

Lors d'un de leurs congrès, le chercheur rencontre Christian Kelhetter, propriétaire d’une jardinerie alternative à Colmar dans laquelle il vent des LED horticoles produites par la société Delled. Ce dernier lui suggère de tester l'huile de CBD sur les cellules cancéreuses in vitro. Un sujet encore trop peu étudié en France. Franck Milone propose de financer les recherches qui, après une entrevue avec la délégation de l’innovation du ministère de la santé, s’orientent plus particulièrement vers le cancer du pancréas. Un cancer agressif, qui laisse une espérance de vie très courte aux malades.

Détruits sous les yeux d’un huissier

Reste à s’approvisionner. « Dans les boutiques spécialisées, beaucoup de produits aux concentrations fantaisistes en molécules actives sont proposés et souvent sans traçabilité ou garantie d'absence de phytosanitaires. Une extraction douce à froid assure par exemple un meilleur rendement pour garder les molécules actives. » Christian Kelhetter avait commencé à cultiver du chanvre légalement, une activité qui malgré sa déclaration en gendarmerie l’amènera devant le tribunal. Actuellement, « les fleurs sont achetées en Hollande puis envoyées au laboratoire de Chimie agro-industrielle de Toulouse qui réalise une partie du fractionnement. Ils nous envoient également des échantillons de fleurs dont les résidus d'extractions réalisées au laboratoire, donc sans molécules actives, doivent être détruits sous les yeux d’un huissier. »

Le CBD ainsi que des extraits de chanvre médicinal enrichis en CBD sont testés pour repérer la ou les molécules actives compagnons, des molécules qui augmentent l'activité de la molécule principale, dans l'extrait total chanvre. Et ce à travers une méthode de culture cellulaire originale en 3D dans des perles liquides. Un modèle 3D représentatif des tumeurs qui permet de vérifier l'action des molécules testées sur les cellules souches cancéreuses protégées à l'intérieur des nodules. Avec son collaborateur Fathi Emhemmed, post-doctorant à l’IPHC, Christian D. Muller obtient des résultats prometteurs in vitro.

Des tests in vivo

Prochaine étape : débuter les tests in vivo sur des souris génétiquement sélectionnées pour développer spontanément un cancer pancréatique, en lien avec Richard Tomasini, directeur du groupe Microenvironnement et tumorigenèse pancréatique, au sein de l’équipe Cancer pancréatique du Centre de recherche en cancérologie de Marseille. En cas de succès, Franck Milone espère lancer un essai sur l’humain dès 2022.

Un médicament est par ailleurs en cours de développement au sein du laboratoire LaFleur contenant du Cannabis. « Nous avons montré que l’extrait de chanvre ne remplace pas la thérapie mais peut venir en complément. Le CBD rouvre l’appétit, attenue les effets de la chimiothérapie et n’a pas d’effets secondaires. A la différence des opiacés, il ne présente aucune dépendance pharmacologique. Malheureusement, je pense qu’en France, l’industrie pharmaceutique n’est pas encore prête », conclut Christian D. Muller.

Marion Riegert

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