Mise en lumière par son succès lors du concours régional « Ma thèse en 180 secondes », Clémentine Bidaud est une jeune doctorante pleine d’enthousiasme. Entre recherche et vulgarisation, son cœur balance. Portrait.
02/05/2017
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Le concours, Clémentine Bidaud en entend parler par hasard il y a environ deux ans, au détour d’une chronique de La Tête au Carré, l’émission scientifique de France Inter. D’emblée séduite par le principe, elle se promet d’y participer alors même qu’elle n’a pas encore terminé ses études d’ingénieur à l’École européenne de chimie, polymères et matériaux de Strasbourg. Et surtout, avant même de débuter ce qui est l’objet principal du concours : une thèse !
Qu’à cela ne tienne, Clémentine sait depuis longtemps qu’elle veut faire de la science. Alors, la réalisation d’un doctorat s’est imposée comme une évidence pour atteindre son but, son rêve : devenir chercheuse. « Ça fait longtemps que je traîne ça », confie-t-elle en se remémorant le jour où elle a visité un laboratoire du CNRS à Toulouse avec sa classe de collège de Loudun. Captivée par la passion du chercheur qui les reçoit, elle se dit : « C’est ça que je veux faire ! » Et ce n’est pas le fait de se méprendre entre "atome" et "molécule" en posant une question qui l’en dissuadera. Bien au contraire, la chimie deviendra sa matière de prédilection au lycée et le fil rouge de son parcours.
Aux portes de la recherche
Aujourd’hui, la jeune doctorante de 25 ans a concrétisé sa promesse avec brio en remportant la finale régionale de « Ma thèse en 180 secondes ». Elle a convaincu le jury alsacien, avec les personnages de Léon et Manon, personnifications de deux photons amoureux. Derrière cette métaphore romantique, se cache un travail de thèse lumineux. « J’utilise une lumière ultraviolette pour structurer un matériau qui sera ensuite employé pour guider la lumière. C’est assez élégant, je trouve ! » (lire l'encadré ci-dessous)
Cette recherche à l’interface de différentes disciplines colle bien avec la personnalité enthousiaste de Clémentine, qui aime autant passer du temps en laboratoire que partager son savoir avec le plus grand nombre. « La recherche est belle, mais si les chercheurs ne communiquent pas, alors elle reste cloîtrée derrière les murs et c’est dommage. » Voilà pourquoi elle s’imagine devenir enseignant-chercheur. Une manière de concilier son goût du partage avec la source inépuisable de découvertes que procure la recherche.
Finale en vue
Cet été, Clémentine aura à nouveau l’occasion de démontrer son talent de vulgarisatrice lors de la demi-finale et peut-être même la finale nationale de « Ma thèse en 180 secondes », qui auront lieu le 13 et 14 juin à Paris. Nul doute qu’elle sera tout aussi à l’aise à l’oral que lors de l’étape régionale. Elle pratique le théâtre depuis plus de 10 ans ! Mais elle ne se met pas la pression pour autant. « Je participe avant tout pour le plaisir. Pour moi, l’intérêt de ce concours, c’est surtout de transmettre notre passion pour la recherche et de montrer qu’il existe plein de choses géniales et diverses en science. »
Malgré sa sérénité, elle ne cache pas être très motivée pour aller au bout de l’aventure, le maître de cérémonie n’étant autre que Mathieu Vidard en personne, l’animateur de La Tête au Carré, son émission fétiche. « C’est un peu mon héros, je l’écoute tout le temps ! Je serais ravie de pouvoir le rencontrer et lui serrer la main. » On croise les doigts pour elle.
Ronan Rousseau
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Une thèse pour un matériau du futur
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Si structurer un matériau par la lumière est déjà largement connu, l’approche que Clémentine développe à l’Institut de science des matériaux de Mulhouse (IS2M - UHA/CNRS) avec Dominique Berling et Emilie Gamet, ses directeurs de thèse, n’en reste pas moins originale*. « On allie notre savoir-faire issu de la chimie sol-gel, une chimie un peu spéciale, à la photochimie. » Le matériau, initialement liquide et contenant des nanoparticules, est déposé sous forme d’un film mince puis exposé à des UV profonds. Cet éclairage laser induit la formation contrôlée de liaisons entre molécules sous forme d’un réseau de lignes qui, associé à la présence des nanoparticules, dote le matériau de propriétés optiques et magnétiques particulières.
Avec cette approche alternative, l’objectif est de développer un matériau à la fois fonctionnel et innovant pour miniaturiser des dispositifs tels que des isolateurs optiques, des composants utilisés pour laisser passer les photons dans un seul sens et ainsi protéger les sources lumineuses de réflexions parasites. De tels dispositifs optiques existent déjà, mais leur fabrication est complexe et ils sont encore trop encombrants. « À terme, notre matériau pourrait être intégré par exemple dans les lidars, des sortes de radars qui fonctionnent avec de la lumière plutôt que des ondes radio, pronostique Clémentine. Il pourrait aussi être utilisé dans des nouveaux instruments de mesure destinés à l’aéronautique ou aux véhicules autonomes. »
* en collaboration avec le laboratoire Hubert-Curien de Saint Étienne et le laboratoire de Physico-chimie des électrolytes et nanosystèmes interfaciaux de Paris.