Le plurilinguisme sera l’une des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (UE) en 2022. Olga Turcan, chercheuse rattachée au Groupe d’études sur le plurilinguisme européen au sein de l’unité de recherche Linguistique, langues, parole (Lilpa), revient sur l’utilisation des langues au sein de l’UE et leur importance.
18/05/2021
« J’adopte la distinction entre le plurilinguisme comme capacité d’une personne à utiliser plusieurs langues, on peut parler du plurilinguisme d’un étudiant, et le multilinguisme comme présence, usage des langues dans le cadre d’un groupe ou d’un espace donné, par exemple le multilinguisme à l’Université de Strasbourg », explique en préambule la sociolinguiste.
Interactions, études, discours, rapports… Durant son travail au sein de l’Organisation internationale de la francophonie à Paris de 2016 à 2019, Olga Turcan oriente ses recherches sur la langue française et le multilinguisme dans les organisations internationales. « Quelle langue est choisie pour s’exprimer lors des réunions ou des sessions réunissant des chefs d’Etat ? Dans quelle langue sont rédigés les documents diffusés en interne ou en externe ? »
La chercheuse note que l’UE promeut un multilinguisme partiel ou réduit avec une utilisation majoritaire de l’anglais qui intègre les langues officielles de l’UE en 1973. « Mais un basculement pour le français s’est opéré après l’élargissement de l’UE de 1995 qui, comme le note Claude Truchot dans Europe : l'enjeux linguistique, avait introduit des pays dans lesquels l’anglais jouait un rôle privilégié. » Pour elle, il est important de ne « pas laisser s’instaurer l’unilinguisme. On se demande dans quelle mesure le Brexit remettra en question l'utilisation de l'anglais dont la diffusion ne relève pas uniquement de l'appartenance du Royaume-Uni à la famille européenne », souligne la chercheuse qui précise que la France, qui prendra la présidence du Conseil de l’UE pour 6 mois en 2022, s’est engagée dans son discours d’intention à renforcer et promouvoir le plurilinguisme, dans les institutions notamment.
Une homogénéisation des discours
« La France pourrait imposer certaines règles, mais elle ne pourra pas dépasser un cadre réglementaire existant. C’est important de créer des espaces d’interactions entre différentes langues. Comme la biodiversité, la diversité linguistique est nécessaire. Je suis moi-même plurilingue, je vois l’avantage de l’accès à la culture de l’autre par la langue, cette richesse à laquelle elle ouvre », poursuit Olga Turcan qui évoque une homogénéisation ou un appauvrissement des discours des chefs d’Etats lorsqu’ils s’expriment dans une autre langue que la ou les leurs.
« Dans leur(s) langue(s), ils s’approprient le texte. Ne pas s’exprimer uniquement en anglais peut être perçu comme un acte militant, mais permet aussi de mieux transmettre ce que l’on pense et ressent. Dans une négociation ou un débat qui aura plus de chance de gagner ? Celui qui maitrise le mieux la langue or quelle(s) langue(s) maitrisons-nous le mieux ? Celle(s) dans laquelle/lesquelles nous avons reçu une éducation… ». L’idée n’étant pas de remplacer le français par l’anglais, mais bien de promouvoir les autres langues.
Marion Riegert