Comprendre les cycles de reproduction des bovins préhistoriques grâce à leurs dents

11/05/2021

Une étude lancée sur 18 sites à travers l’Europe a permis de comprendre un peu plus la maitrise par les premiers éleveurs du cycle de reproduction des bovins du 6e au 4e millénaire avant Jésus-Christ. Et ce grâce à l’analyse de l’émail dentaire. Explications avec Rose-Marie Arbogast, chercheuse au sein de l’unité mixte de recherche Archéologie et histoire ancienne : Méditerranée – Europe (Archimède).

Sixième millénaire avant Jésus-Christ, exit chasse et cueillette, une nouvelle économie de production basée sur l’exploitation de ressources domestiques émerge. Des ressources végétales avec les premières céréales cultivées mais aussi animales avec les premiers animaux élevés, destinés à fournir diverses ressources (viande, produits laitiers…). Cette économie se diffuse vers 5300 avant Jésus-Christ dans l’est de la France grâce à l’arrivée d’éleveurs-agriculteurs, venus du Proche-Orient. Le tout, associé à un mode de vie sédentaire dans des villages, avec le stockage et la maîtrise de la céramique.

« Les scientifiques ont longtemps pensé que ces premiers animaux d’élevage étaient utilisés uniquement pour la production bouchère et que l’exploitation de lait était plus tardive mais de plus en plus d’études prouvent le contraire. Or qui dit lait dit contrôle des cycles de reproduction », explique Rose-Marie Arbogast, responsable de l’ostéothèque de Strasbourg, qui cherche à comprendre à quel point ces cycles étaient maitrisés par les premiers éleveurs.

Des analyses isotopiques de l’émail des dents

Pour ce faire, la chercheuse procède à des analyses isotopiques et géo-chimiques des ossements d’animaux retrouvés notamment sur les sites archéologiques d’Alsace comme à Bischoffsheim en collaboration avec d’autres spécialistes. « Grâce à l’analyse de l’émail dentaire, nous déterminons l’environnement du bovin, son cycle de croissance et son mode d’alimentation. » L’oxygène qui y est présent permet de retracer la courbe de variation de la température afin de savoir si l’animal est né en hiver ou en été. Mais aussi de donner des indices sur les cycles saisonniers de reproduction ou l’âge de sevrage des jeunes : le passage de l’alimentation lactée à celle d’origine végétale entraînant des modifications de la composition isotopique.

Tout l’intérêt étant de voir si les jeunes ont pu être sevrés précocement pour donner accès à plus de lait aux éleveurs, et si les dates de vêlage ont pu être décalées intentionellement pour assurer un accès continu au lait, pendant une période plus longue au cours de l’année. « Mais cela n’est pas envisageable sans un bon approvisionnement des animaux tout au long des saisons d’où aussi la question de l’origine de l’apport de nourriture en hiver… »

Transformé en fromage pour être stocké

Autre indice d’une exploitation laitière : « Une surabondance de restes d’ossements de veaux entre 6 et 9 mois, abattus une fois qu’ils ne sont plus utiles à la production de lait. » Le lait ainsi obtenu pouvait ensuite ête stocké sous forme de fromage permettant de disposer de cette ressource en protéines toute l’année. « Des céramiques perforées ont été retrouvées avec des traces de graisse de lait et de chauffe. Elles étaient utilisées pour séparer le petit lait de la fraction solide. »

Prochaine étape : approfondir la question du degré de maitrise du cycle de reproduction des bovins. Mais aussi d’autres animaux comme le cheval, le mouton ou la chèvre. « Est-ce qu’il y avait une complémentarité entre ces animaux ? Petit à petit, c’est l’image de l’organisation des pratiques de ces premiers éleveurs tout au long de l’année que l’on cherche à compléter… »

Marion Riegert

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