Confinement, quels souvenirs un an après ?

06/05/2021

[Série] Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19 : sciences sociales. Un an jour pour jour après l’instauration du premier confinement, le 17 mars 2021, le projet de recherche « Confinement, un an après : mémoires déconfinées » est lancé. A travers une collecte de témoignages, d’objets… Cathy Blanc-Reibel et Jeanne Teboul, chercheuses au laboratoire Dynamiques européennes (Dyname) souhaitent esquisser une photographie des traces laissées par cette période inédite.

Un dessin, une série de photos, un poème, une anecdote, un journal… Comme des milliers de Français, déstabilisés par le premier confinement, peut-être avez-vous ressenti le besoin de garder une trace de ce bouleversant printemps. Ces souvenirs individuels protéiformes, les chercheuses en sciences sociales Cathy Blanc-Reibel et Jeanne Teboul, s’y intéressent, pour leur donner une forme collective.

« Par le passé, nous nous sommes toutes deux intéressées aux questions mémorielles. » Cathy Blanc-Reibel à travers sa thèse sur la transmission, l’appropriation et la valorisation du patrimoine de la Neustadt. Jeanne Teboul en se penchant sur la commémoration des événements de la Première Guerre mondiale. « A mesure que l’anniversaire du premier confinement approchait, il nous a paru important de lancer un projet de recherche autour de mémoires plus immédiates, pour répondre à toutes ces questions que nous nous posions : Qu’avons-nous gardé du premier confinement ? Quels souvenirs nous reviennent en mémoire ? Quels objets ou documents avons-nous conservés ? Comment évoquons-nous cette période aujourd’hui ? Et a-t-elle eu des effets sur nos modes de vie actuels ? »

Si leur collecte a été lancée un an jour pour jour après l’instauration du confinement du printemps 2020, les chercheuses souhaitent la poursuivre au-delà du 11 mai, date qui en a marqué la fin. « D’abord parce que, si nous avons déjà des retours, ce sont surtout des promesses de dons. Il y a un pas entre trouver le projet sympa, et contribuer. » Elles se donnent jusqu’à l’été pour compiler leurs matériaux.

« Frapper à la porte du centre socio-culturel »

Pour récolter leur matière première, elles se tournent d’abord vers leurs réseaux, sans pouvoir compter en premier lieu sur les réseaux sociaux, qu’elles fréquentent peu – «  nous pouvons toutefois compter sur le relais de la Maison interuniversitaire des sciences de l’Homme – Alsace (Misha) pour cela ». « Cela m’amène à user des méthodes les plus traditionnelles de l’ethnographie, souligne Jeanne Teboul. Aller frapper à la porte du centre socio-culturel du coin de la rue, à celle du petit commerce voisin pour comprendre comment la ville était approvisionnée pendant la période ». Pour élargir la représentation sociologique (âge, milieu socio- professionnel), elles ciblent aussi des cercles plus éloignés des leurs – Petits frères des pauvres, soignants, artistes comme Pierre Le Crieur. « Les idées nous viennent au gré des rencontres et suggestions. »

« Aider une dame de 80 ans à scanner son témoignage »

Au-delà de la matière « brute », Cathy Blanc-Reibel et Jeanne Teboul s’attachent à « saisir les traces immatérielles, les récits, la narration de l’événement. Nous avons ainsi pris contact avec certains des services qui nous ont semblé les plus significatifs à l’université, comme Espace avenir et les bibliothèques. » Ambition : examiner avec eux leur vécu, et les éventuels changements durables introduits dans les pratiques, « pour ne pas envisager l’événement uniquement en termes de rupture, mais aussi de réinvention ». Pour cette raison, « nous n’avons pas souhaité que les versements passent par une plateforme administrative ». Les contacts sont noués par courriel, afin d’établir une relation individuelle. « Je suis même allée chez une dame de 80 ans récupérer son témoignage, dont le scan posait problème ! » raconte Cathy Blanc-Reibel.

Les personnes qui le souhaitent – volontaires et majeures – pourront voir leur don versé aux Archives de la Ville, dans les règles de l’art de la protection des données. Il rejoindra un corpus déjà constitué de parcelles de mémoire vive, dès le lendemain du premier confinement.

Elsa Collobert

Quelle restitution ?

Good to know

Avec un projet autant en phase avec la société, difficile de se cantonner pour sa restitution à une seule publication scientifique. « Même si nous ne nous interdisons aucune mutation en cours de route, l’une des formes privilégiées évoquées pour poursuivre le dialogue avec notre terrain d’études, nos contributeurs, et ne pas se cantonner aux cercles académiques, est celui de l’exposition. »

« Des contacts existent déjà avec des structures comme le 5e lieu, et cela permettrait de partager à plus large échelle des productions collectives, comme le journal du confinement du lab In Situ (lycée Le Corbusier), 400 pages de réactions et réflexions mondiales sur la période, qui nous est déjà parvenu », souligne Cathy Blanc-Reibel.

Regards croisés de chercheurs sur la Covid-19

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