Contrôler les liquides sans parois solides grâce au magnétisme

06/05/2020

Imaginez un tube liquide sans parois solides capable de faire circuler d’autres liquides à l’échelle microscopique. C’est le dispositif inventé par des chercheurs de l’Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires (Isis) et de l’Institut de physique et de chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS) qui utilisent le champ magnétique pour contrôler ces tuyaux composés de nanoparticules d’oxyde de fer.

La microfluidique, technologie qui consiste à miniaturiser des circuits fluidiques pour mieux contrôler l’écoulement de fluides, est une technologie en plein essor. Problème, en raison de la petite taille des canaux, quelques dizaines de micromètres parfois, des blocages, des dépôts sur les parois, et une augmentation de la pression peuvent survenir, détériorant la fiabilité des systèmes.

« Ces difficultés sont liées à l’utilisation de parois rigides pour confiner les écoulements », souligne Thomas Hermans, chercheur à l’Isis qui travaille depuis 2014 à l’élimination de ces parois solides. Pour ce faire, il collabore avec Bernard Doudin, chercheur à l’IPCMS par l’intermédiaire d’un post-doctorant commun, Peter Dunne. Le tout, en association avec des spécialistes en magnétisme du Trinity College (Dublin).

Modifier le champ magnétique en temps réel

L’idée ? Utiliser un champ magnétique, avec zéro au centre mais fort à l’extérieur, produit par quatre aimants entourant un dispositif en plastique réalisé à l’aide d’une imprimante 3D. A l’intérieur, un liquide magnétique, composé de nanoparticules d’oxyde de fer, attiré par les zones de champ fort, forme un tube sans parois solides. Ce dernier peut contenir d’autres sortes de liquides, eau, sang, confinés dans les zones de champ faible.

« Grâce à ce système, il y a moins de résistance, ce qui permet de transporter plus avec moins de pression et à la même vitesse, tout en préservant au mieux l’intégrité des liquides », détaille Peter Dunne. Le tuyau obtenu permet également d’acheminer des liquides visqueux (miel, glycérol…) mais aussi du gaz ou de l’air. Autre avantage : Le champ magnétique peut être modifié en temps réel. Une vanne peut ainsi être créée pour ouvrir et fermer les tuyaux et obtenir une action de pompage.

Un partenariat avec l’Établissement français du sang

Grâce à un partenariat avec l’Établissement français du sang, les chercheurs ont pu tester leur dispositif en circuit fermé. « Le sang souffre de dégradation cellulaire lorsqu’il est mis sous contrainte. Ce système de pompage magnéto-staltique a montré une nette diminution de l’hémolyse, indicateur de rupture de globules rouges. Il permet ainsi de mieux préserver les cellules du sang », précise Peter Dunne. Plus pratique et moins dangereux pour la santé, ce système pourrait être utilisé dans la chirurgie du cœur en guise de pompe péristaltique ou en dialyse.

L’invention a été brevetée, sous l’égide de la Satt Conectus. Une maturation pour optimiser la fiabilité et l’efficacité de ces pompes a permis de créer une startup : Qfluidics, avec, en ligne de mire, la commercialisation de cette technologie. Autre projet : poursuivre l’étude en diminuant la taille des tuyaux, sans oublier de vérifier son impact sur d’autres cellules que celles du sang. « Les entreprises ont un grand intérêt pour le projet », glisse Thomas Hermans. A terme, les technologies de nanomagnétisme et d’électronique de spin, actuellement utilisées pour le stockage d’informations, pourraient ainsi être mises à profit pour contrôler des circuits de nanofluidique.

Marion Riegert

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