De l’hibernation de l’ours aux voyages dans l’espace il n’y a qu’un muscle

30/11/2018

Alors qu’ils hibernent 5 à 7 mois dans leur tanière sans manger, sans boire et sans bouger, les ours bruns ne perdent pas un poil de muscle ou presque. Au réveil, les carnivores frais et dispo sont capables de piquer un sprint. Une performance loin d’être partagée par l’espèce humaine. Fabrice Bertile, chercheur à l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien, étudie le phénomène depuis une dizaine d’années.

Personnes alitées, population âgée, enfants devant leurs consoles… La perte de protéines associée à l’inactivité physique et à une mauvaise alimentation est au 4e rang mondial des causes de mortalité avec le développement de certaines pathologies comme le diabète ou l’obésité. Comprendre le métabolisme de l'ours permettrait non seulement d’enrayer ce phénomène mais aussi d’avancer dans la conquête spatiale.

« Les astronautes en mission perdent une grande part de leur masse musculaire. L’idée serait de prévenir, limiter ou reverser cette perte », explique Fabrice Bertile qui a été convoqué au début de l’année par l’Agence spatiale européenne pour participer à un groupe de travail sur l’hibernation. Les études du chercheur sur le métabolisme des animaux ont commencé par une approche biologique et physiologique. Avec l’ours, Fabrice Bertile s’est aussi tourné vers un domaine de la chimie : la protéomique, c’est-à-dire l’étude de l’ensemble des protéines exprimées par un système vivant. « Mon idée était de chercher dans le milieu naturel un organisme faisant face avec succès au problème de la perte de masse musculaire. »

Une dizaine d’ours capturés chaque année

A la différence d’autres petits hibernants comme l’écureuil et la marmotte dont la température baisse jusqu’à atteindre les 2-3 degrés, celle de l’ours brun ne chute qu’à 32-34 degrés pour une perte musculaire de 15 à 20%. Pour collecter des échantillons et tenter de percer les mystères de préservation musculaire du carnivore, le chercheur se rend deux fois par an, en juin et en février, en Suède où il collabore depuis une dizaine d’années avec un consortium scandinave dédié aux recherches sur les ours bruns. 

« Lorsqu’on y va toute la logistique est prête, nous travaillons avec un personnel formé. Une centaine d’ours sont équipés de balises GPS qui nous permettent de repérer leur tanière. On s’approche doucement pour ne pas les réveiller, l’ours est anesthésié et nous faisons nos prélèvements en moins d’une heure. Et cela uniquement sur ceux qui ne se reproduisent pas et pas plus de deux fois », précise le chercheur qui utilise deux angles d’approche pour son étude. « Je cherche tout d’abord à comprendre les mécanismes moléculaires pouvant permettre la préservation musculaire. »

Les molécules des ours sont capables d’agir sur les cellules humaines

Premier constat : « Un muscle inactif consomme du sucre. Chez l’ours les stocks de sucre dans le muscle en hiver sont pleins. Les Oméga 3, connus pour être capables de protéger les protéines dans les muscles, peuvent également avoir un rôle dans le remplissage du stock de sucre des muscles. Chez l’ours leur niveau est augmenté. » Autre observation :  le stress oxydant qui peut dégrader les protéines est diminué chez l’animal.

Son deuxième axe de recherche permet à Fabrice Bertile de voir si des applications à l’homme sont possibles. « Nous avons prélevé du sérum d’ours en hiver et l’avons mis sur des cellules musculaires humaines in vitro. » Le chercheur a ainsi pu constater que des molécules d’ours sont capables d’agir sur les cellules humaines qui grossissent et reproduisent les réactions biochimiques du muscle d’ours hibernant. « Nous allons chercher à isoler les composés actifs du sérum. Cela prendra quelques années, mais l’enjeu nous pousse à continuer ! »

Marion Riegert

L’ours dans tous ses états

Documents à télécharger

Le mois de décembre pourrait être appelé le mois de l’ours et Fabrice Bertile sera présent dans différents évènements pour présenter ses recherches.

  • Conférence le 05/12 à l'amphi Fresnel : "De la tanière de l'ours à la planète Mars"

Durant son hibernation, l’ours brun conserve sa masse musculaire. A l’inverse, chez les personnes sédentaires ou en apesanteur, la fonte musculaire est inévitable. Mais la bio-inspiration offre de nouvelles pistes pour améliorer leur santé, et peut-être un jour envoyer des Hommes sur Mars.

  • Avant-première le 17/12 à 18h30 à l'auditorium de la BNU : "Fort comme un ours" en présence de l'équipe du film

Dans nos sociétés modernes, l’ostéoporose, l’obésité, l’insuffisance cardiaque et rénale, font des ravages. Des scientifiques pensent que la réponse à ces maladies, liées au vieillissement et à la sédentarité de notre population, coule dans les veines de l’ours. Ils sont médecins ou biologistes, spécialistes de l’humain. Mais pour mettre au point des traitements basés sur le biomimétisme, ils n’hésitent pas à rejoindre les terres de grands prédateurs : les ours bruns et les ours noirs.

Alors que les ours vont bientôt entrer dans leur tanière pour hiberner, les scientifiques se penchent sur les mécanismes par lesquels ces plantigrades réussissent à ne pas trop perdre de muscles alors qu'ils sont immobiles durant plusieurs mois.

Pour en savoir plus rendez-vous sur le site de l'IPHC

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