Vocabulaire différent, orthographe changeante… devant les textes manuscrits allemands médiévaux les étudiants se sentent parfois démunis. Pour les guider, Elisabeth Clementz, enseignante en paléographie médiévale et son mari Bernhard Metz, archiviste, ont publié un ouvrage intitulé « Initiation à la lecture des écritures manuscrites allemandes médiévales ».
13/03/2019
2 objectifs : déchiffrer et comprendre
Phrases longues, mots dont le sens a évolué… « Les principaux problèmes lorsqu’on est face à un texte allemand médiéval c’est de déchiffrer et comprendre. Il faut se familiariser avec un vocabulaire et aussi le fait qu’à l’époque l’orthographe n’était pas fixée », résume Elisabeth Clementz, membre de l’équipe d’accueil Arts, civilisation et histoire de l’Europe spécialisée en histoire médiévale d’Alsace. Autre frein à la compréhension : la pratique de l’alsacien et de l’allemand a beaucoup baissé. « Si on veut faire un master en histoire médiévale en Alsace, beaucoup de sources sont en latin ou en allemand… Le risque serait de se retrouver avec une génération coupée de ses sources », souligne la chercheuse qui précise que ce livre d’entrainement ne s’adresse pas uniquement aux étudiants.
32 documents
Après une introduction donnant des clés de compréhension avec notamment la présentation des principales abréviations, place à 32 textes. « Nous avons choisi de mettre à disposition des textes de difficultés diverses sur le Moyen Age en Alsace du milieu du 13e siècle au début du 16e siècle. » Des documents historiques institutionnels dénichés aux archives municipales ou départementales de Strasbourg, Haguenau, Colmar, Rouffach ou encore Obernai. « Les archives c’est notre laboratoire », glisse la chercheuse. Chaque texte est accompagné d’une transcription et d’une proposition de traduction assorties de notes explicatives. « Cela permet de s’entrainer et vérifier si la transcription est exacte. »
10 thématiques
Les documents sont regroupés à travers 10 thématiques comme la vie quotidienne dans les léproseries, les cloches dans les villes médiévales, les hôpitaux, la guerre ou encore la persécution des juifs au 14e siècle. « Nous avons choisi des thèmes sur lesquels nous effectuons nos recherches avec cinq documents iconographiques sélectionnés en collaboration avec Philippe Lorentz, chercheur en histoire de l’art. » Chaque thème est accompagné d’un texte introductif donnant des indications sur le contexte historique. L’occasion de découvrir qu’il n’y avait pas de médecin rattaché à l’hôpital de Strasbourg avant 1515 ou que le Magistrat de Colmar avait interdit de tirer les rois après le 6 janvier. « Il y avait des abus », sourit Elisabeth Clementz qui propose ainsi une véritable photographie de l’Alsace à l’époque médiévale.
Marion Riegert
- Elisabeth Clementz interviendra lors d'un colloque jeudi 21 et vendredi 22 mars 2019 consacré à l'honneur des Alsaciens.
Trois idées reçues sur les lépreux
Good to know
Elisabeth Clementz a notamment mené des recherches sur les léproseries. « J’aime le fait que les sources nous apprennent des choses différentes que celles que l’on imagine », souligne la chercheuse. L’occasion de tordre le coup à quelques idées reçues.
1 - Une maladie contagieuse : Pour la léproserie de Haguenau, Elisabeth Clementz a étudié un panel de 168 lépreux. Elle note que la maladie touchait plus les hommes que les femmes (73% d’hommes.) « La lèpre n’était pas si contagieuse car seuls 5% des cas sont des lèpres familiales. »
2 – La léproserie, une prison : Les lépreux n’étaient pas enfermés, ils venaient quêter en ville à des horaires autorisés. Ils allaient aussi beaucoup dans les villes d’eaux comme Baden-Baden. Leur famille leur rendait visite. « Dans la léproserie de Haguenau j’ai retrouvé les menus, on y mangeait très bien. »
3 – Des parias délaissés par Dieu : « En réalité, les lépreux étaient perçus comme des intercesseurs. Ils faisaient leur purgatoire sur terre et étaient donc plus touchés par Dieu et plus proches de lui. Il y a même eu des confréries de lépreux. »