Des dangers du silence sur l’Europe

05/11/2018

En enseignant le fonctionnement de l’Union européenne à l’Ecole de management Strasbourg, Sabine Menu s’est rendue compte que ses étudiants manquaient de connaissances sur cette thématique. Et ce en partie à cause du peu d’informations disponibles sur l’Europe dans les médias. L’écriture de la biographie de Paul Collowald, l’un des derniers pionniers de la construction européenne, est l’occasion pour elle de remettre le sujet à l’honneur dans la perspective des élections européennes à venir.

« Malgré la multiplication des outils de communication pour expliquer ce que fait l’Europe aujourd’hui, les gens restent assez ignorants et indifférents », précise Sabine Menu qui souligne que le problème se situe aussi au niveau des Etats et des institutions européennes. « Ce qui est plus grave est qu’à défaut de comprendre, le ras le bol se développe par rapport à l’Europe. Il y a un besoin de redonner de l’information et du sens. C’est pour cela que j’avais envie d’écrire maintenant. »

Un même enthousiasme

La politologue croise le chemin de Paul Collowald lors d’une conférence sur les 60 ans des Traités de Rome, en mars 2017, à Bruxelles. « C’est un monsieur de 95 ans d’une grande éloquence et d’une mémoire parfaite. Il a connu l’annexion de l’Alsace et de la Moselle, la guerre comme Malgré-Nous, c’est de là qu’est né son engagement européen. Un engagement viscéral, avoir une Europe unie est son idéal de vie », raconte Sabine Menu qui partage le même enthousiasme et les mêmes inquiétudes pour l’Union européenne. « Ma mère est allemande et je suis mariée à un Italien que j’ai connu lors d’un séjour Erasmus. Si les frontières avaient été, comme à l’époque de Paul Collowald, des sources de tension, tout aurait été différent… Dans notre enthousiasme, il y a aussi notre histoire. »

De cette rencontre, elle fait un livre « Paul Collowald, pionnier d’une Europe à unir. Une vie à dépasser les frontières. » Au fil de l’ouvrage, Sabine Menu réalise un bilan des résultats de l’information sur l’Europe à partir des 40 entretiens réalisés avec Paul Collowald mais aussi au regard des écrits publiés dans le domaine. « Paul Collowald, ancien journaliste puis porte-parole à la Commission européenne, a un point de vue critique du peu de cas donné à l’Europe dans les médias. Aujourd’hui encore, il épluche chaque jour les nouvelles qui lui parviennent par différents canaux. »

« Le grand perdant, c’est le citoyen »

Son témoignage permet notamment de mieux comprendre l’origine de ce manque d’informations. « L’UE est toujours soucieuse de ne pas heurter les Etats. Elle ne souhaite pas trop expliquer pour ne pas faire de l’ombre aux nations, mais le grand perdant, c’est le citoyen », souligne Sabine Menu évoquant un exemple d’omission avec la Garantie jeunes. « Il s’agit d’un dispositif d’insertion professionnelle généralisé en France en 2017. En mai 2018, le Figaro y dédie une page entière et mentionne en fin d’article que « des fonds européens » interviennent, sans expliquer que le dispositif provient d’une initiative de la Commission approuvé par les États membres en 2013. » Une occasion manquée de dire ce que fait l’Europe selon la chercheuse.

Ce manque d’information laisse aussi la place aux fausses informations. « Mon inquiétude est qu’aux élections européennes de mai 2019 les personnes ne décident pas en connaissance de cause. Avec en tête le Brexit et certaines fake news qui ont fait basculer le vote à l’image de l’affirmation selon laquelle, d’après les Brexiters, sortir de l’Europe permettrait de transférer 350 millions de livres sterling par semaine pour le National Heatlh Service. Les Brexiters l’ont démantie le jour suivant le référendum ! Je pense qu’à l’université, nous formons aussi des citoyens », conclut Sabine Menu.

Marion Riegert

Paul Collowald, une vie au service de l’Europe

Good to know

Né alsacien, Paul Collowald subit l’annexion de l’Alsace et de la Moselle. Résistant, incorporé de force dans l’armée allemande et évadé, il s’est battu contre les atteintes à la dignité humaine. En 1949, alors qu’il est journaliste au Nouvel alsacien, Paul Collowald rencontre le ministre des Affaires étrangères Robert Schuman. En 1953, il devient correspondant du Monde pour l’Alsace. Après avoir œuvré au lancement du Centre universitaire d'enseignement du journalisme (CUEJ), en 1958, il passe les concours d’entrée de la fonction publique européenne. Il officie alors en tant que porte-parole des vice-présidents successifs de la Commission, Robert Marjolin puis Raymond Barre. Directeur à la direction générale de l'information ensuite, il termine sa carrière au Parlement européen comme directeur général de l’information et directeur de cabinet du président Pierre Pflimlin.

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