Anne Merker ne lève plus les yeux de son ordinateur depuis un mois. C’est la dernière ligne droite pour la nouvelle doyenne de la Faculté de philosophie en pleine édition des deux premiers volumes de traduction commentée des écrits philologiques de Nietzsche. Une édition qui marque la fin de la première étape d’un projet de recherche débuté en 2014 grâce à un financement de l'Institut d'études avancées de l'Université de Strasbourg (USIAS).
18/07/2019
L’aventure d’Anne Merker dans l’œuvre philologique nietzschéenne débute dans le bureau de Caroline Noirot, directrice des éditions Les Belles Lettres. « Elle s’intéressait à des textes liés à Nietzsche marginalisés ou peu connus », raconte la chercheuse dont le sujet d’étude se situe plutôt du côté de la philosophie ancienne. « Le fait d’être à Strasbourg a influencé l’orientation de mes recherches. Nietzsche est un grand connaisseur de l’Antiquité. C’était un spécialiste des lettres classiques donc je m’y retrouve », sourit Anne Merker.
Les manuscrits originaux de Nietzsche
En 2014, l’obtention d’un Fellowship à l’Usias pour deux ans lui permet de constituer une équipe qu’elle dirige avec Paolo d’Iorio, chercheur à Paris, pour réaliser la traduction et les commentaires de textes de Nietzsche. Des textes jamais traduits en français dans leur intégralité. Soit une dizaine de personnes pour publier douze volumes au total. Le premier concerne les cours de Nietzsche sur Platon et l’introduction à l’Apologie de Socrate. Le second porte sur ses cours de rhétorique antique et d’histoire de l’éloquence.
Première difficulté : déchiffrer l’écriture du philosophe. « Une particularité de notre travail est que nous réalisons les traductions à partir des manuscrits originaux de Nietzsche numérisés sur www.nietzschesource.org par Paolo d’Iorio. Notre édition papier est ainsi connectée au processus de mise en ligne des textes », détaille la chercheuse qui précise que le volume 2 lui donne beaucoup de fil à retordre. « Il faut maitriser les domaines concernés, sans oublier de jongler entre quatre langues : grec, latin, allemand et français. »
Un public averti
Chaque volume contiendra une préface ainsi qu’une présentation des textes avant traduction. « Nous faisons le point sur les manuscrits disponibles et précisons, dans la mesure du possible, si les cours ont été donnés ou non. Le tout, avec une mise en perspective pour dégager l’intérêt de ces textes dans la construction de la pensée philosophique de Nietzsche. »
Les deux premiers volumes paraitront en octobre/novembre. Ils s’adressent à un public averti. « C’est une édition de recherche. L’idée est de conduire le lectorat philosophe à entrer dans la technicité des cours de Nietzsche et considérer ses œuvres avec un nouveau regard. » La suite devrait arriver en novembre 2020, avec différents volumes sur ses cours d’histoire de littérature grecque, l’encyclopédie de philologie classique, sans oublier le culte divin des Grecs.
Marion Riegert
Good to know
Anne Merker exerce la fonction de doyenne de la Faculté de philosophie depuis le 1er juillet 2019. Une fonction qu’elle avait déjà occupée de 2006 à 2011. « C’était au moment de la fusion, l’UFR de philosophie, linguistique et sciences de l'éducation (Plise) regroupait alors plusieurs disciplines, avant de devenir la Faculté de philosophie durant mon mandat », se souvient la chercheuse qui dirige également depuis 2018 le Centre de recherches en philosophie allemande et contemporaine (Crephac).