Détourner le parfum floral pour dissuader les insectes florivores

22/01/2020

Pour éloigner les insectes et préserver ses fleurs fragiles, la plante modèle Arabidopsis thaliana a développé une technique de défense : émettre moins de parfum pour le transformer en poison. Explications avec Danièle Werck, chercheuse à l’Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP), dont le travail a été publié dans la revue The Plant Cell.

Le laboratoire de Danièle Werck travaille sur la plus vaste famille d’enzymes du métabolisme spécialisé chez les plantes : les cytochromes P450. « Nous avons voulu comprendre pourquoi cette famille d’oxygénases s’est autant diversifiée et pour remplir quelles fonctions », souligne la chercheuse qui a développé une approche de bioinformatique permettant d’analyser l’expression des P450s dans tous les organes au cours du développement de la plante, ainsi qu’en réponse aux perturbations de son environnement.

Attirer et protéger

« Cette approche globale a permis d’attirer notre attention sur la fonction de deux gènes adjacents sur un même chromosome de la plante. » L’un code pour une oxygénase et le second pour une sesquiterpène synthase. Les deux gènes sont coexprimés dans le bouton floral, mais leur expression est maximale lors de l’épanouissement de la fleur. La sesquiterpène synthase était décrite comme responsable de l’émission de la plupart des molécules volatiles constituant le parfum floral. L’équipe de Danièle Werck en déduit que l’oxygénase convertit les produits de la terpène synthase. Elle le démontre dans la levure et dans la plante.

Pour ce faire, la chercheuse utilise le modèle Arabidopsis thaliana, une plante dotée de petites fleurs fragiles qui n’émettent que très peu de parfum. Cette plante est autoféconde et n’a pas besoin d’attirer les insectes pour se reproduire. Pourtant, de façon surprenante, lorsque l’oxygénase est supprimée, la fleur émet beaucoup de parfum. Mais elle devient aussi moins résistante aux insectes qu'ils soient pollinisateurs, attirés par les parfums ou florivores, friands de pollen et de tissus floraux. « Les produits d’oxydation des terpènes sont toxiques et éloignent les florivores. La plante a ainsi utilisé le parfum pour en faire un système de défense », remarque Danièle Werck qui souligne : « Certaines plantes utilisent simultanément deux mécanismes : elles présentent des parties dont le parfum attire les insectes et d’autres « à protéger » dont l’absence de parfum et la toxicité pour les insectes permet d’assurer la reproduction de la plante.»

Des micro-partenaires

Autre découverte : « De nouveaux acteurs, plus inattendus, se sont invités à la fête. Nous avons en effet montré que la population bactérienne vivant à la surface des fleurs était, elle-aussi, modulée, par les produits d’oxydation des terpènes. La modification de cette population peut donc également contribuer à influencer la visite des insectes. Tous ces micro-partenaires interagissent entre eux. »

Et après ? « Nous souhaitons comprendre à quel niveau se font ces interactions. Nous allons également regarder la population microbienne au niveau des différents organes de la fleur. Quel peut être le rôle des micro-organismes sur le comportement des insectes. » Sans oublier d’observer des systèmes analogues dans les autres plantes, ainsi que leur participation à la protection des parties végétatives de la plante contre les microorganismes…

Marion Riegert

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