Catholique ayant grandi dans un pays bouddhiste, Kyong-Kon Kim, enseignant-chercheur au sein de l’Équipe d’accueil en théologie catholique et sciences religieuses, a décidé de rapprocher ces deux univers à travers une étude comparative du bouddhisme zen et de la théologie transcendantale, un courant de pensée issu du christianisme. Un sujet qui ne l’a plus quitté.
03/12/2018
Kyong-Kon Kim naît dans une famille catholique en Corée du Sud, un pays marqué par le bouddhisme. En 1991, il part suivre des études de théologie catholique en Allemagne. L’occasion de redécouvrir sa propre religion dans le monde occidental mais aussi de se familiariser à l’étude du bouddhisme zen introduit en Europe au 20e siècle.
« Le bouddhisme est une religion rationnelle contenant une pratique méditative, qui connaît un certain succès auprès des populations occidentales, des personnes qui cherchent une spiritualité convenant à leurs attentes », souligne le chercheur. A cette époque, il suit un cours durant lequel son enseignant tente de comparer la pratique méditative du bouddhisme zen à la mystique chrétienne.
« L’homme parcourt sa propre voie avec sa subjectivité »
Le sujet l’interpelle et le jeune étudiant d’alors décide de se lancer dans une étude comparative. Intitulée « L’homme et son salut selon le bouddhisme zen et le christianisme », sa thèse s’intéresse à deux figures représentatives : Karl Rahner, un des plus importants théologiens catholiques du 20e siècle, connu pour sa théologie dite transcendantale. « Cette dernière souligne les conditions humaines prédisposées pour l’expérience divine. » Et Bojo Chinul, maitre zen considéré comme le fondateur de l’école bouddhique principale coréenne ayant vécu entre 1158 et 1210.
Premier constat : des similitudes au niveau de la compréhension de l’homme. « Sur le chemin du salut, c’est lui qui fait la démarche. Il n’est pas question d’une foi aveugle, l’homme parcourt sa propre voie avec sa subjectivité. » La différence se situe plus du côté de la finalité. « En ce qui concerne le salut dans le bouddhisme, il faut passer par une expérience de la vacuité, c’est-à-dire la compréhension de l’essence de l’homme. Pour le chrétien, il s’agit d’une expérience mystique de la grâce du Dieu unique. »
Autrement dit, le bouddhiste peut faire l’expérience de la réalité suprême car chaque homme est considéré comme un buddha alors que pour le chrétien le mystère divin demeure. Sa thèse lui permet également de relever l’importance et les limites de la langue humaine chez les deux penseurs. « Tout en reconnaissant le caractère inadéquat de la parole ou l’analogie face aux réalités suprêmes, la langue est perçue comme un moyen pédagogique conduisant vers ces réalités. »
Jésus, un bodhisattva ?
Les recherches comparatives de Kyong-Kon Kim se poursuivent avec la publication d’un article, il y a trois ans, sur une christologie bodhisattvique, comprenez Jésus le Christ en tant que bodhisattva, c’est-à-dire l’être d’éveil. « Une opinion partagée par plusieurs représentants bouddhistes dont l’actuel dalaï-lama. J’ai essayé de vérifier la pertinence de cette thèse énoncée en 1992 par un auteur chrétien de Corée du Sud dans le but de promouvoir le dialogue interreligieux. Ma conclusion est que c’est une assertion subjective qui manque d’un fondement scientifique sur le plan de l’étude textuelle. »
Actuellement, Kyong-Kon Kim travaille sur le Sūtra du Lotus avec toujours en arrière-plan une visée comparatiste. « Elle se fait quasiment toujours naturellement. » Le texte contient sept paraboles, l’une d’elle, celle de l’homme riche et de son fils pauvre comporte des similitudes avec la parabole chrétienne du fils prodigue de l’Evangile selon saint Luc. « La question étant de savoir s’il s’agit d’un transfert de savoirs ou d’une structure de pensée commune à l’esprit humain. » A méditer…
Marion Riegert