Du voilement au dévoilement, étude de parcours de femmes musulmanes

09/10/2019

Droit à disposer de leur corps, inscription dans un continuum culturel… Hanane Karimi, chercheuse associée au laboratoire Sociétés, acteurs et gouvernement en Europe, étudie le parcours de femmes ayant fait le choix de se voiler ou non. Un choix qui n’est pas forcément en lien avec le religieux. Début septembre, la sociologue participe à la rédaction d’un article dans le Manuel indocile des sciences sociales qui vient de paraître : « Le voile est-il un signe d’oppression ? »

Hanane Karimi a toujours souhaité faire de la recherche. En 1998, baccalauréat en poche, elle intègre une formation en biologie. « Les cours avaient lieu dans un lycée. A l’époque je portais le voile à l’extérieur et un bandana dans les locaux, on m’a demandé de l’enlever, j’ai refusé. » Menacée de passer en conseil de discipline la jeune femme décide d’arrêter ses études.

Une dizaine d’années plus tard, elle retourne sur les bancs de l’école en se tournant vers la sociologie. Souhaitant réaliser une thèse sur l’éthique environnementale, Hanane Karimi optera finalement pour le féminisme religieux sur le conseil d’une professeure rencontrée en stage à Yale aux Etats-Unis. Son sujet ? « Assignation à l’altérité radicale et chemins d’émancipation : étude de l’agency de femmes musulmanes françaises. » Un sujet qu’elle aborde avec recul et distanciation.

Questionner le chemin vers le voilement

La blessure de ses 19 ans s’est transformée en un questionnement sur les femmes voilées ou non désignées comme déviantes par la société. « La question du port du voile est une question polémique et politique depuis les années 80. Qu’est-ce que les femmes musulmanes font de cette situation, comment elles agissent et font preuve de créativité dans l’espace public ? » Son étude l’amène à établir une quarantaine d’entretiens biographiques de femmes et des observations à Lille, Paris, Lyon et Strasbourg. « J’ai notamment rencontré des mères accompagnatrices scolaires voilées qui s’organisent contre l’interdiction qui leur est faite d’accompagner les sorties scolaires au nom de la laïcité. »

L’extension de la laïcité à l’espace des entreprises privées est également étudiée à travers un réseau de femmes qui ne veulent plus se dévoiler ou ne trouvent pas de travail du fait de leur visibilité religieuse et se mettent en autoentrepreneur dans une philosophie néolibérale du travail. Ces parcours de vies permettent à Hanane Karimi de questionner le chemin vers le voilement. « Il y a quelque chose de l’ordre de la représentation de la féminité qui apparait plus que du chemin spirituel. C’est un continuum culturel dû notamment au passé migratoire de ces femmes même si, paradoxalement, elles ont rencontré l’hostilité de leurs parents suite à leur choix de porter le voile. »

Disposer librement de son corps

Le voile peut aussi être un moyen de contestation. « L’une des femmes que j’ai interrogée le portait durant sa crise d’adolescence. Bien souvent, c’est la crispation autour du voile qui renforce l’envie des femmes de le garder. » Avec, parfois, une revendication politique : l’envie de disposer librement de son corps. « Ces formes de micro-résistance permettent de faire changer les discours et de bouger les lignes mais le débat reste très polarisé au niveau politique. Aujourd’hui, la question du voile est uniquement traitée comme une question qui relève de la laïcité. »

Le dévoilement est aussi questionné, avec différents cheminements. « Il peut y avoir un changement de paradigme, les femmes ne se reconnaissent plus dans les normes liées au voile adoptées plus jeunes. » Il y a aussi l’injonction à l’invisibilité… La thèse d’Hanane Karimi devrait être publiée prochainement. « Je me dis que cette recherche pourra aider d’autres femmes, des hommes politiques à avancer sur cette question. »

Marion Riegert

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