Ecart de salaire, sous-emploi… L'Institut du travail a été sollicité pour la première fois par le Bureau international du travail, organisme rattaché à l'ONU en charge de la protection des salariés depuis 1919. Le tout, afin d’analyser le cas français dans le cadre d’une étude sur l’égalité professionnelle lancée dans plusieurs pays.
07/07/2021
Quoi
« Nous sommes en charge de présenter la méthode française et ses spécificités sur l’égalité professionnelle qui passe par des négociations collectives. Sans oublier d’identifier les freins et les mesures spécifiques pour lutter contre les inégalités de salaire entre les femmes et les hommes. La France signe beaucoup d’accords collectifs de branche et d’entreprise mais il faut qu’il y ait un suivi », souligne Nicolas Moizard, juriste à l’Institut du travail qui précise que six chercheurs ont été mobilisés dans le cadre de ce travail pluridisciplinaire mêlant économie et droit. A noter que l’Institut du travail avait déjà travaillé sur un rapport autour de ce sujet en 2015 pour la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).
L’objectif
Etudier les inégalités de salaire femme/homme alors même qu’il existe de nombreux textes de loi sur le sujet et déterminer le rôle des négociations dans ce cadre. « L’intérêt étant de voir la façon dont les acteurs s’approprient ces textes de droit qui changent régulièrement. Comment l’entreprise s’y intéresse ? Croiser le contenu des accords pour voir si les entreprises évoluent dans leurs réflexions et leurs pratiques. Qu’est-ce qui motive le choix des mesures ? Par exemple la paternité : est-ce que l’entreprise se l’approprie par contrainte légale ou changement de mentalité ? », interroge Tiphaine Garat, juriste, qui précise que « l’idée est d’amener une réflexion pour faire évoluer les outils existants en France. »
Comment
Industrie, services… L’étude s’appuie sur une enquête de terrain dans 10 entreprises de l’Eurométropole de Strasbourg, un tissu représentatif. « C’est un terrain déjà connu, des entreprises avec lesquelles nous avons établi un lien de confiance qui ont mis à disposition leurs accords, leurs chiffres », précise Nicolas Moizard. Soit une vingtaine d’entretiens au total réalisés de janvier 2019 à octobre 2019 avec pour chaque entreprise une synthèse et une mini monographie.
Côté résultats
Deux rapports ont été réalisés dont le dernier a été validé en décembre 2020 par les employeurs, les salariés, les pouvoirs publics…. « Le diagnostic préalable est varié, certaines entreprises sont bien organisées, d’autres ne font pas grand-chose. Il y a une persistance de la ségrégation professionnelle sur les fonctions, la répartition du travail en lien avec les écarts de rémunération, plus importants chez les cadres et les professions supérieures. Le frein à une évolution étant parfois le coût des mesures », détaille Michèle Forté, économiste. « Dans toutes ces entreprises la négociation collective est ancrée dans les pratiques, les mesures ne sont pas révolutionnaires mais la question de l’égalité femme/homme est sur la table, ce n’est pas simplement un objet légal », complète la chercheuse qui souligne que la pandémie a aggravé les inégalités existantes. « Les femmes n’avaient pas forcément un endroit dédié pour télétravailler contrairement aux hommes. Sans parler du fait qu’elles devaient souvent s’occuper des enfants en télétravaillant. »
Et après ?
L’étude a été envoyée à la direction générale du travail, aux organisations syndicales et patronales ... « Nous avons fait des recommandations. Il faut former des négociateurs, avoir recours à l’expertise, imposer un diagnostic chiffré, avec d’avantage d’incitations. Trouver une meilleure utilisation des normes », explique Nicolas Moizard qui pense que les pratiques peuvent évoluer notamment par le risque de condamnation et de sanctions administratives.
Marion Riegert
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