Vincent Viblanc s’intéresse au lien entre comportement et physiologie. Pour ce faire, ce chercheur de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC) étudie plus particulièrement un écureuil terrestre vivant essentiellement dans les rocheuses du Canada. Objectif : déterminer comment l’axe du stress permet de réagir à son environnement social.
07/01/2021
Comment la vie de groupe évolue-t-elle, peut-elle avoir un impact négatif sur un individu ? Comment s’y adapter ? « Nos travaux portent sur les effets de l’environnement social sur la physiologie animale. Nous cherchons à comprendre quelles peuvent être les conséquences du stress de nature sociale sur la santé des individus, et quels effets ce stress peut-il avoir sur les générations futures. »
Afin d’étudier ces mécanismes, le chercheur s’intéresse au spermophile du Columbia, du grec qui « aime les graines ». Un écureuil terrestre de la famille des sciuridés, étudié par des chercheurs de différents domaines. « Nous disposons chez cette espèce d’un suivi à long-terme de plus de 28 ans. Il nous permet d’avoir accès à l’histoire de vie des individus et nous donne ainsi une vision fine de leur environnement social. Nous sommes par ailleurs en mesure de suivre le devenir de familles sur plusieurs générations », détaille le chercheur qui analyse plus spécifiquement les effets de l’environnement social sur le succès reproducteur de l’animal.
Une observation journalière
Pour les étudier, Vincent Viblanc et ses collègues se rendent chaque année au cœur du parc provincial de Sheep River dans les rocheuses au Canada. Plusieurs heures d’observation sont nécessaires chaque jour, d’avril à juillet, afin de relever le comportement social des animaux pendant la reproduction. Après quoi, jusqu’en août, le spermophile engraisse avant d’hiberner 9 mois.
« Nous capturons l’ensemble de la population, environ une centaine d’individus, afin de recenser qui est présent et d’évaluer la condition des animaux. » Les chercheurs prélèvent des échantillons d’excréments et de sang pour mesurer les hormones du stress et le stress oxydatif de l'écureuil. Un petit signe est ensuite peint à l’aide d’une teinture à cheveux sur son dos pour pouvoir suivre son comportement à distance.
« L’environnement social est capital dans la reproduction »
Le spermophile évolue dans un système matrilinéaire avec des femelles d’une même descendance qui restent au même endroit et des mâles qui se dispersent. Une organisation qui semble présenter un avantage certain en termes de reproduction. « L’environnement social est capital dans ce domaine. Une femelle parvient ainsi à élever plus de petits jusqu’au sevrage si elle est entourée par ses proches parents. » Ces femelles apparentées sont également moins agressives entre elles et semblent moins stressées que les autres, probablement en lien avec le fait qu’elles passent moins de temps à la défense du terrier où sont élevés les jeunes.
Côté projets, l’équipe de recherche a plusieurs travaux en cours de préparation notamment sur les changements de l’agression au cours de la saison, mais aussi le lien entre agressivité et hormone du stress. « Un autre projet porte sur le vieillissement cellulaire, voir si le niveau de stress affecte la régénération cellulaire et le stress oxydant. »
Marion Riegert
Un film sur les querelles de voisinage chez les écureuils
Plus d'informations
Vincent Viblanc et Aurélien Prudor se sont rencontrés lors de recherches sur les manchots royaux. En 2018, le chercheur décide de collaborer avec l’ingénieur d’étude devenu réalisateur de films scientifiques dans le cadre d’un documentaire sur le spermophile : « Au cœur du réseau : Querelles de voisinage chez les écureuils terrestres » sorti en octobre 2020. « Au début du tournage, il y avait encore des chutes de neige, le réalisateur se retrouvait à essayer de deviner où les rongeurs allaient sortir », sourit Vincent Viblanc.