Les lacs réagissent de manière plus forte aux changements climatiques. Les rivages actuels ne seront pas ceux de demain et la configuration de tous les lacs de la planète va changer dans les décennies à venir. A travers l’étude des paléolacs des zones arides, Mathieu Schuster, chercheur à l’Institut de physique du globe de Strasbourg et Jan-Hendrik May, de l’Université de Melbourne, s’intéressent au passé pour apporter une vision scientifique à ces modifications.
16/03/2020
A quelle vitesse les paysages vont-ils changer ? Comment la faune et la flore s’adaptent-elles ou non ? Quelles conséquences sur les populations locales et leurs activités ? Y-a-t-il un point de bascule ? « Etudier les fluctuations des lacs anciens permet de comprendre l’impact des changements climatiques d’origine naturelle. Les lacs représentent des réserves considérables en eau douce directement accessibles mais extrêmement vulnérables. Un lac est par exemple une ressource en eau douce importante pour la pêche ou la culture », souligne Mathieu Schuster qui depuis sa thèse, il y a presque 20 ans, s’intéresse aux paléolacs des régions arides et plus spécifiquement au bassin du lac Tchad en Afrique. Il y a 6 000 ans, ce dernier a connu une phase d’expansion majeure et mesurait quelque 350 000 km2 soit la superficie de l’Allemagne. Aujourd’hui, il fait environ la taille de l’Alsace, laissant place aux dunes du Sahara.
« Au départ du projet, l’idée était de reconstituer l’environnement homme-milieu du lac pour des collègues archéologues et paléontologues. Progressivement, nous avons eu envie de comprendre le système en lui-même », souligne Mathieu Schuster qui précise que l’un des challenges consiste à retrouver les plages fossiles pour déterminer les limites anciennes du lac et ses fluctuations. « Selon leur forme, nous arrivons à reconstruire les courants de dérive littorale qui les ont modelés et ainsi remonter aux anciens régimes de vent, ce qui nous renseigne sur la variabilité de la paléo-mousson africaine. »
Affiner les modèles numériques climatiques
Pour proposer une cartographie, le chercheur peut s’appuyer sur les images satellites. Une fois sur le terrain, les sédiments sont également étudiés. « Le challenge, c’est d’arriver à donner un âge à chaque structure pour mesurer à quelle vitesse ces lacs se sont asséchés. » Pour ce faire, il faut une méthode de datation. C’est là qu’intervient Jan-Hendrik May, spécialiste de l’OSL (Optically Stimulated Luminescence), alors en post-doctorat à l’Université de Freiburg au moment des premières discussions et aujourd’hui en poste à l’Université de Melbourne.
Pour voir si le cas du lac Tchad est unique ou si des fluctuations semblables peuvent être observées à l’échelle globale, les deux chercheurs décident d’élargir l’étude à d’autres exemples de lacs arides. Et notamment le lac Eyre - Kati Thanda, au cœur de l’Australie. Un lac aujourd’hui salé, « plus la taille se réduit plus la salinité augmente », glisse Mathieu Schuster. « Nous essayons d’établir sa chronologie. Le dernier épisode marquant date de 1974 où le lac était en eau pendant quelques mois. Chaque année, cela fluctue en fonction des saisons. »
Pour le moment, les chercheurs ont plus de questions que de réponses, « mais regarder le passé permet de comprendre le présent. » Une étude à mettre en perspective du changement climatique en cours. Sans oublier de tester des modèles numériques climatiques. « Plus nous avons d’exemples anciens, plus nous pouvons les affiner et ainsi apporter un éclairage sur les scénarios futurs. »
Marion Riegert
- Pour aller plus loin lire aussi : « Dans le Sahara, en quête de passé »