Etudier les textes apocryphes, une manière de redécouvrir le christianisme

06/06/2018

A travers les bibliothèques du monde entier et l’étude de 500 manuscrits en langue ancienne, Rémi Gounelle travaille avec sept autres collègues sur l’édition d’un texte apocryphe, c’est-à-dire non reconnu par l’église. Ce chercheur spécialiste de l’histoire du christianisme de l’antiquité au sein de l’équipe d’accueil théologie protestante revient sur ce travail parfois ingrat mais riche en découvertes qui révèle une autre facette du christianisme… Un domaine que le public pourra découvrir à travers la quatrième école d’été sur la littérature apocryphe chrétienne, du 19 au 21 juin prochains.

« Les textes apocryphes servaient pour la piété, la liturgie, ils commencent à être étudiés en profondeur depuis les années 2000. La littérature apocryphe amène à redécouvrir des aspects d’un christianisme beaucoup plus complexe qu’il n’y parait et peu documenté par ailleurs. On y trouve des traditions liées à des communautés relevant parfois du folklore où la frontière est floue avec le paganisme mais aussi les autres religions », explique d’emblée Rémi Gounelle qui travaille depuis 25 ans déjà sur l’édition des « Actes de Pilate », aussi connus sous le nom « Evangile de Nicodème ».

Le texte, d’une trentaine de pages, contient notamment le récit de la mort de Jésus et de sa résurrection avec un texte original rédigé au 4e siècle et des versions postérieures jusqu’au 20e siècle. « C’est une sorte de rapport officiel de la mort de Jésus. En occident, on prétend avoir trouvé ce document dans des archives officielles de l’Empire romain.. »

La descente aux enfers de Jésus

Problème, les chercheurs, huit au total, qui travaillent sur le sujet du Canada à la Suisse en passant par la France, n’ont pas retrouvé le manuscrit original de ce texte. Le premier qu’ils possèdent sur les « Actes de Pilate » date du 5e siècle, et le premier manuscrit grec du 12e siècle. Copte, syriaque, latin, grec, arménien, géorgien… le texte a été traduit et diffusé en plusieurs langues à partir de manuscrits grecs, soit plus de 500 manuscrits répertoriés par les chercheurs pour les langues anciennes.

Fautes, sauts de lignes, mauvaise interprétation des abréviations de la part des copistes, adaptations diverses… sont autant d’éléments qui viennent compliquer leur travail. « Certains épisodes sont réinterprétés d’un pays à l’autre. Certains scribes essayent d’améliorer le texte. J’aime voir comment la pensée se métamorphose », souligne Rémi Gounelle dont l’objectif est de comparer les manuscrits pour tenter de comprendre l’évolution du christianisme à travers des épisodes précis.

Le chercheur note ainsi que dans le texte original, Jésus était probablement représenté comme un « vrai homme », un simple prophète, sans naissance divine. « Par la suite, les copistes vont rectifier avec l’utilisation notamment de l’expression « fils de Dieu ». » Au 7e et 8e siècle, un épisode est ajouté dans les textes latins, traduit par la suite en grec : celui du récit de la descente aux enfers de Jésus dans lequel il s’attaque à Satan. « A partir du 15e siècle, cet épisode est considéré comme mythologique et disparait en occident mais est conservé dans le monde grec. »

Recopier un manuscrit avec une lampe frontale…

Pour étudier les manuscrits, les investigations de Rémi Gounelle se sont parfois transformées en parcours du combattant. « Pour un manuscrit de Jérusalem, nous avons mis 6 ans à avoir une lettre pour entrer dans la bibliothèque du monastère. » Le jour J, après un interrogatoire en règle, le chercheur et sa collègue sont installés sur un banc d’écolier sous la surveillance d’un moine. Chaque matin, ils retrouvent le manuscrit en désordre car un moine maladroit le fait tomber tous les soirs en le rangeant…

« Une autre fois, en Grèce, nous nous sommes retrouvés à recopier un manuscrit de nuit avec une lampe frontale car il n’y avait pas d’électricité. Mais cela donne un caractère humain à un travail souvent ingrat », souligne Rémi Gounelle, philosophe. Le groupe de chercheurs a déjà publié deux ouvrages sur le sujet, trois autres sont en préparation. Ils contiendront notamment des variantes de tous les manuscrits et un commentaire de texte. « Notre but n’est pas de reconstituer le texte original, nous estimons que nous n’en avons pas les moyens, mais peut-être que plus tard ces recherches pourront servir à d’autres… »

Marion Riegert

Une école d’été sur la littérature apocryphe chrétienne : « La figure de Salomon dans la culture éthiopienne »

Good to know

Durant cette quatrième école d’été, qui a lieu tous les deux ans, les étudiants, doctorants et autres curieux pourront s’essayer au travail de chercheur à travers plusieurs ateliers de comparaison d’images ou de textes de différentes périodes. « L’idée est de mettre les participants dans une dynamique où ils se posent des questions de recherche », explique Rémi Gounelle qui organise l’évènement au côté de sa collègue, Gabriella Aragione. L’école d’été qui se déroule en présence de chercheurs étrangers du 19 au 21 juin, s’intéressera plus particulièrement à l’Ethiopie ancienne et à la « Gloire des rois », un texte de 400 pages relatant les amours du roi Salomon avec la reine de Saba. « C’est un texte fondateur pour les rastafari, ce mouvement des années 30 qui dit que le christianisme n’est pas blanc mais que c’est aussi une religion de noirs. »

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