Avec 250 millions de personnes touchées dans le monde, l’hépatite B chronique est responsable de nombreux cancers du foie. Les traitements actuels ne permettent pas d’en guérir, mais réduisent la progression de la maladie. Une équipe de l’Institut de recherche sur les maladies virales et hépatiques a mis en évidence pour la première fois le rôle clé de la molécule CDKN2C dans le développement du virus. Une cible prometteuse pour de futurs traitements.
16/06/2020
« Dans le cadre de l’hépatite B, nous avons peu d’informations sur les interactions moléculaires entre le virus et son hôte », résume Eloi Verrier, coordinateur de l’étude au côté de Thomas Baumert. Pour avancer dans la compréhension de ces interactions, les chercheurs se sont intéressés plus particulièrement à deux lignées cellulaires dérivées de tumeurs primitives du foie cultivées in vitro. « Elles expriment toutes deux le récepteur du virus de l’hépatite B (VHB), mais dans l’une d’elles, le virus ne se réplique pas sans qu’on en comprenne la cause. »
La technique du « gain de fonction »
Pour comprendre le phénomène, les chercheurs utilisent une technique de biologie moléculaire appelée « gain de fonction », c’est à dire qu’ils font surexprimer aux cellules toute les protéines codées par le génome et évaluent l’effet de la surexpression sur les niveaux d’infection par le virus. Les chercheurs en ressortent une liste de candidats possibles. « Pour trouver le bon, nous avons ensuite regardé lesquels n’étaient pas exprimés dans la lignée non sensible. » Ils identifient ainsi CDKN2C. « Nous supposons que c’est ce facteur qui est important pour la réplication virale et manquant dans la lignée non sensible. »
Pour le vérifier, les chercheurs suppriment l’expression de CDKN2C dans la lignée sensible au virus. Résultat : il n’y a pas d’infection. « CDKN2C est un inhibiteur des enzymes CDK4/6. Si ces dernières sont inhibées, la division cellulaire ne se fait pas. Nous avons observé que cela entrainait une surexpression dans la cellule de facteurs de transcription indispensables à la réplication du VHB. C’est par ce biais que CDKN2C module la réplication du virus. » Une approche chimique est également testée et l’effet de CDKN2C sur la réplication est reproduit à l’aide d’une molécule, le Palbociclib, utilisée dans le traitement des cancers. « En inhibant CDK4/6 avec cette molécule, on augmente également l’infection. »
Généraliser l’approche
Les traitements contre les cancers faisant appel à des inhibiteurs des CDK4/6 pourraient ainsi activer le virus et représenter un risque pour les patients porteurs du VHB. » L’étude met également en évidence une corrélation entre le degré d’avancement des maladies chroniques du foie, dont le carcinome hépatocellulaire (CHC), et le degré d’expression de CDKN2C. « Lorsque son niveau est élevé, les patients ont une durée de survie plus faible à long terme. »
Les tests ont été effectués sur des cellules de foie. Prochaine étape : généraliser cette approche et l’utiliser pour l’appliquer à des modèles murins afin de comprendre pourquoi ils ne sont pas sensibles à l’infection. « Nous pourrions ainsi développer de nouveaux modèles sensibles qui permettraient l’étude des interactions entre le virus et ses cellules hôtes », conclut Eloi Verrier.
Marion Riegert
- Retrouvez la publication dans Nature Communications.
- Pour aller plus loin sur les travaux de l’Institut de recherche sur les maladies virales et hépatiques lire aussi : Des maladies hépatiques au Covid-19, cibler l’entrée dans l’hôte.