Avalanches, propagation des incendies ou des maladies… des systèmes complexes trouvés dans la nature en apparence très différents peuvent présenter des propriétés similaires qui intriguent les scientifiques. Problème, ces systèmes sont difficiles à étudier dans des conditions expérimentales contrôlées. Pour la première fois, des chercheurs du Centre européen de sciences quantiques (CESQ) de Strasbourg, en collaboration avec les Universités de Heidelberg, de Cologne et du California Institute of Technology, sont parvenus à observer les trois signatures clés de ce comportement. La découverte a fait l’objet d’une publication dans Nature.
15/01/2020
Shannon Whitlock et une équipe de six personnes travaillent sur un gaz d'atomes de potassium qu’ils préparent à des températures très basses, proches du zéro absolu. « Un état plus facile à contrôler et approprié pour étudier les propriétés quantiques fondamentales des atomes », souligne le chercheur du CESQ de l’Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires (Isis).
En utilisant des lasers pour exciter les atomes, ils peuvent influencer les interactions entre ces derniers. « Lorsque les atomes sont excités, ils peuvent soit créer de nouvelles excitations secondaires, soit se désexciter spontanément et s'échapper du piège », explique Tobias Wintermantel, doctorant dans l’équipe de Shannon Whitlock. Cette fuite de particules est d’ordinaire considérée comme un problème. Mais dans ce cas, cela a influencé l'évolution du gaz d'une manière qui intrigue les chercheurs.
Des phénomènes observés dans la nature
« Lorsque le laser est allumé, de nombreuses particules s’échappent rapidement puis leur nombre se stabilise, toujours à la même valeur. » Autre constat : le nombre de particules restantes dépend de l'intensité du laser de manière universelle, c'est-à-dire caractérisée par un seul paramètre. « En comparant nos résultats expérimentaux avec un modèle théorique, nous avons pu établir que ces deux effets ont la même origine sous-jacente », détaille Shannon Whitlock qui précise qu’ils sont caractéristiques de la « Self-organized criticality » ou criticité auto-organisée.
« Selon ce phénomène, théorisé par Bak, Tang et Wiesenfeld en 1987, certains systèmes peuvent évoluer d’eux-mêmes jusqu’à leur point critique de transition de phase. » Jusqu'à présent, le concept n'avait pas été expérimenté dans un système physique aussi hautement contrôlable.
Vers de nouvelles technologies quantiques
Suite à leur expérience, les chercheurs sont retournés en laboratoire pour confirmer une troisième caractéristique, la plus frappante du phénomène : les avalanches d'excitation suivant une loi de puissance. Des caractéristiques similaires ont été observées dans d'autres systèmes tels que les avalanches, les tremblements de terre, les éruptions solaires ... « Ainsi, pour la première fois nous avons pu observer expérimentalement les trois éléments clés de la criticité auto-organisée et établir un système expérimental atomique contrôlable de manière ciblée et spécifique », se réjouit Shannon Whitlock.
Prochaine étape : « Nous aimerions voir comment la nature quantique des atomes influence le mécanisme d'auto-organisation. Nous pourrions alors éventuellement l’utiliser pour créer de nouvelles technologies quantiques ou résoudre certains problèmes computationnels, difficiles à traiter avec les ordinateurs classiques », conclut le chercheur.
Marion Riegert
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Le projet est soutenu financièrement par le programme Investissements d’avenir de l’Initiative d'excellence de l’Université de Strasbourg (Idex) et la « Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG)», dans le cadre du centre de recherche collaborative «SFB 1225 (ISOQUANT)»