« La déontologie a pris une place jamais vue auparavant »

29/06/2020

A l’occasion de la parution de son nouvel ouvrage Pourquoi la déontologie aux Presses universitaires de Strasbourg, René Heyer, professeur émérite à la faculté de théologie catholique, revient sur cette notion souvent mal comprise.

Pourquoi la déontologie ?

 « Dans le monde dans lequel nous vivons, la manière de penser les choses et de les vivre a changé par rapport à d’autres époques. Avec une place prise par la déontologie jamais vue auparavant », souligne René Heyer qui donnait un cours de licence en théologie morale sur le sujet. Ce constat décide le chercheur à écrire un ouvrage accessible à tous qui invite à s’interroger sur les causes et les conséquences de ce nouvel état de fait. « Aujourd’hui, la déontologie a investi tous les secteurs, si bien que les gens la confondent tantôt avec la morale, tantôt avec l’éthique », poursuit le chercheur qui traite le sujet à travers une approche plus philosophique que technique. Le titre, « Pourquoi la déontologie », met en avant l’aspect réflexif de l’ouvrage sans point d’interrogation « car je réponds à la question, ce sont des hypothèses. »

Côté définition

Dans l’esprit des gens, la déontologie est liée à l’activité professionnelle. « C’est un ensemble de règles propres à chaque profession pour en garantir la moralité, comme ne pas faire cours la porte fermée pour un professeur lorsqu’il n’a qu’un seul étudiant. Dans un sens philosophique, c’est le fait de partir des principes et non du but de l’activité. Par exemple, pour l’enseignant faire passer le savoir est un principe, le but étant de s’assurer que le savoir a bien été compris. » La déontologie qui relève d’une sélection de valeurs est à distinguer de la morale appuyée sur des normes et de l’éthique qui possède une connotation plus existentielle : « faire ce qu’on estime être le mieux. »

Un peu d’histoire

Dans une première partie, le chercheur tente de retracer l’histoire de la déontologie dont la montée en puissance est à mettre en lien avec la politique et l’économie. « Les gouvernants ont laissé une certaine latitude à de rares professions en acceptant qu’elles gardent le secret professionnel, un élément qui est au cœur de la déontologie. C’était le cas des avocats, des médecins ou des confesseurs. » Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce secret professionnel s’est généralisé pour être utilisé dans d’autres professions. « Il peut même désormais être demandé au centre des impôts lorsqu’on a un entretien. Le rapport social s’est ainsi centré sur l’activité des personnes ce qui a amené à une expansion de la déontologie. »

De la situation de la déontologie

Dans une deuxième partie, le chercheur s’intéresse à la situation de la déontologie. « Qu’est-ce qui fait qu’une profession est ce qu’elle est… Quand est-ce que je suis vraiment sûr de faire bien ce que je fais », interroge René Heyer qui précise que chaque profession intègre des valeurs particulières liées à son domaine de travail. Certaines peuvent même apparaitre comme immorales par rapport à celles d’autres professions. C’est le cas du journaliste qui protège ses sources de la police alors même que ces dernières peuvent faire l’objet de poursuites. « Mon intérêt n’est pas de résoudre ces cas de conscience mais de voir comment ils viennent à se heurter. Parfois c’est la puissance publique qui tranche. Dans le cas des enfants par exemple le secret professionnel n’est plus de mise. » Autre exemple : celui d’Adolf Eichmann qui organisait les déplacements de trains de déportés. « A son procès, il a déclaré avoir obéi aux ordres et fait son travail le mieux possible. C’est une perversion de la déontologie », conclut René Heyer.

Marion Riegert

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