La syphilis, « une maladie très picturale »

24/09/2018

Depuis septembre 2017, mois durant lequel elle a commencé sa thèse au sein du laboratoire Arts, civilisation et histoire de l’Europe, Giulia Longo s’intéresse à la représentation de la syphilis dans les arts un visuel. Un sujet qu’elle aborde avec beaucoup d’humour et qui lui a valu en juin dernier le premier Prix du jury du concours « Ma recherche en histoire de l’art et archéologie en 180 secondes », organisé par les Amis du festival d'histoire de l'art de Fontainebleau.

 « La syphilis est une maladie très picturale car elle dessine sur le corps du malade des pustules, c’est vraiment très spectaculaire », souligne d’emblée Giulia Longo, étudiante en thèse qui a grandi au sein d’une pharmacie de Naples. Déjà en master, la jeune italienne avoue s’être intéressée à des « choses bizarres » à l’image d’une chapelle funéraire de Naples où s’est développé un culte des crânes au 17e siècle.

Lors de son master 2 à Paris, elle travaille sur un sculpteur de théâtres de cire du 17e siècle, l’abbé Zumbo. L’un d’eux représentait la syphilis… « Ca m’a questionnée, je souhaitais étudier la représentation des maladies dans l’art, j’avais d’abord pensé à la peste mais ça avait déjà été largement fait. » Giulia Longo, « très enthousiaste de son choix », décide de se pencher plus particulièrement sur une période allant du 17e siècle à 1830, peu après la mort de William Blake qui évoque la syphilis notamment dans son poème « The sick rose ». « Au 19e siècle, le sujet a déjà été étudié, je l’ai donc écarté.»

Une maladie extrêmement répandue au 18e siècle

Sculpture, cire, représentations accompagnant les traités médicaux, tableaux de chevalets, caricatures… Giulia Longo regroupe ainsi un corpus de plus 200 œuvres. « Je ne m’y attendais pas, j’ai découvert que la syphilis était une maladie extrêmement répandue au 18e siècle et représentée par énormément d’artistes. C’est tout un monde qui s’est ouvert à moi. » La syphilis touche une multitude de domaines comme l’histoire de l’intime, de la prostitution, de la médecine ou encore de la folie.

Ces représentations permettent à la doctorante de comprendre comment la maladie était perçue et comment les malades vivaient au sein de la société. Utilisée dans la satire et notamment en politique, elle permet de tourner en ridicule ses adversaires. « Il y a eu beaucoup de caricatures anglaises contre les généraux français pendant les guerres napoléoniennes avec des personnes représentées sans nez, avec un œil manquant, ou des jambes en forme de sabre, autant de signes de cette maladie protéiforme. »

L’apanage des femmes

Durant ses recherches, la jeune femme remarque que souvent les prostituées sont représentées comme la source de la maladie. « Dans les traités médicaux, les effets de la syphilis sont montrés sur les femmes et l’homme est symbolisé comme une victime. C’est très rare de voir des hommes ayant la syphilis mais quand ils sont représentés ce sont des naïfs mordant à l’hameçon de la prostituée. Pour elles, la syphilis est alors la contrepartie pour avoir vendu son âme au Diable. »

Lorsque les effets de la maladie ne sont pas encore visibles, elle peut être suggérée via des attributs à l’image d’une boite de pilules ou une inscription « Pox », comprenez syphilis en anglais, sur une jarretière. « Je l’ai vue avec une loupe en m’approchant de près », sourit Giulia Longo. William Blake, lui, développe un discours différent et pointe du doigt non pas les femmes mais la société bourgeoise et ses tabous instaurés par l’église catholique qui pousse les hommes à aller au bordel et contribue ainsi à la propagation de la maladie…

Marion Riegert

Petite histoire de syphilis

Good to know

  • Un peu de sémantique : La syphilis aussi connue sous le nom de vérole est arrivée au 15e siècle avec Christophe Colomb et les premiers marins revenus d’Amérique. La maladie a commencé à faire parler d’elle lors du siège de Naples par Charles VIII durant lequel elle a été appelée « le mal de Naples » par les Français. Inversement, les Napolitains l’ont appelée « le mal français. » « C’est un fléau qui essaye de miner l’amour. A l’époque on croyait que toutes les maladies sexuellement transmissibles étaient la syphilis », souligne Giulia Longo.
  • Trois stades de développement :  La syphilis se transmet par les rapports sexuels ou de la mère au fœtus. Le premier stade de développement, superficiel, se guérit seul au bout d’un an. Au-delà de cette durée, la maladie entre dans une nouvelle phase et s’attaque aux organes vitaux. « Elle peut évoluer en tuberculose ou d’autres maladies. C’est alors difficile de dire si la personne est morte de syphilis. En ce moment j’en vois partout ! L’histoire la plus pathétique étant celle de Schubert, il n’a jamais eu de femme au cours de sa vie. Il est allé une fois au bordel, a attrapé la syphilis, et en est mort à 31 ans. » Au troisième stade, qui se développe chez un tiers des patients, la syphilis creuse les os du crâne, le malade peut perdre son nez, il a des hallucinations et peut sombrer dans un état de folie (c’était la première cause de ce mal à cette époque) ou d’aphasie « ce qui fut le cas de Nietzsche ou encore Baudelaire. »
  • Côté remède : Pour soigner la maladie, les médecins prescrivaient aux patients du mercure, un remède qui donnait des effets secondaires terribles comme la perte des dents ou des cheveux et faisait devenir fou.

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