De Greta Thunberg à Edward Snowden en passant par #MeeToo, les lanceurs d’alerte se multiplient. Après un travail sur le concept de héros du retrait, Michel Fabréguet, chercheur au sein de l’unité mixte de recherche Dynamiques européennes, et Danièle Henky, chercheuse au sein de l’équipe d’accueil Configurations littéraires, ont décidé de s’attaquer à cette figure ambigüe. Et ce, à travers un appel à contribution international et pluridisciplinaire : « les lanceurs d’alerte, entre héroïsme et déviance », en vue de publier un ouvrage sur le sujet.
21/10/2021
« Les lanceurs d’alerte sont un groupe d’individus ayant une connaissance d’un danger ou d’un risque qui alertent l’opinion contre une forme d’action perçue comme immorale en espérant susciter une réaction. C’est un sujet qui touche à l’histoire, la sociologie, la littérature, l’éthique, la politique ou encore le sport », souligne en préambule Michel Fabréguet.
Si la notion a été développée par des travaux de sociologues au cours du 20e siècle, les lanceurs d’alerte ne datent pas d’hier. Déjà dans l’Antiquité, Cassandre et son don pour prédire l’avenir sans être crue fait figure de précurseur. Elle est suivie d’une série d’autres personnages comme Luther qui dénonce la vente des indulgences par l’Eglise en rémission des pêchés ou encore « Gorge profonde », informateur secret du scandale du Watergate. Les premiers écologistes peuvent également être considérés comme des lanceurs d’alerte. Avec différents styles comme Greta Thunberg qui privilégie les déplacements et les prises de paroles quand d’autres passent par des interviews données aux journalistes.
Fakenews et propagande
Les écrivains ne sont pas en reste et misent sur leur plume. « Au 19e siècle, Zola prend le parti de Dreyfus par l’intermédiaire de la publication de son célèbre article : J’accuse. Plus près de nous, Pierre Rabhi multiplie les ouvrages qui alertent sur l’état de la planète. Certaines anticipations, comme le roman 1984 de George Orwell, annoncent la mise en place de régimes de plus en plus coercitifs et, d’une certaine manière, le contrôle opéré sur nos vies par les réseaux sociaux », détaille Danièle Henky qui se demande si le lanceur d’alerte n’est pas le héros contemporain le plus proche de nous.
Un héros caractérisé par l’ambigüité de sa situation et les échecs subis en opposition au héros traditionnel et ses exploits. En révélant des données sensibles, il s’oppose à la sécurité nationale et à la loi, pouvant alors apparaître comme un traitre ou une victime des puissants. « Pour être lanceurs d’alerte il faut approcher des lieux de pouvoir, cette démarche peut se retourner contre eux et les mettre en danger », précise Michel Fabréguet. A l’image d’Edward Snowden, exilé en Russie depuis qu’il a révélé l’existence de plusieurs programmes de surveillance de masse américains et britanniques.
Avec l’arrivée des réseaux sociaux, le phénomène des lanceurs d’alerte explose. Il touche désormais toutes les couches de la société avec une évolution des profils des dénonciateurs comme dans le mouvement #MeeToo. Une explosion qui fait aussi apparaître des déviances. « Sur internet, il y a une multiplication des alertes mais aussi des fakenews. Certains dénoncent pour effrayer ou pour servir la propagande d’une cause pas forcément éthique ou honnête », souligne Danièle Henky.
Marion Riegert