Handicap et travail : quelle intégration des personnes en situation de handicap au Moyen Âge ? Dans le cadre de la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées, Olivier Richard, chercheur au sein de l'équipe d'accueil Arts, civilisation, et histoire de l'Europe (Arche), a évoqué cette thématique lors d’une conférence organisée par le Jardin des sciences. L’occasion de balayer quelques idées reçues.
20/11/2019
Malades, personnes âgées, enfants, aveugles, boiteux, sourds… Au Moyen Age, le terme « infirmus » désigne toutes les personnes plus faibles que les autres, qui s’écartent de la norme. « Le terme « handicap » n’existait pas, c’est une construction culturelle apparue plus tard », souligne d’emblée Olivier Richard, spécialiste de l’histoire de la ville au Moyen Age qui s’intéresse à la question du handicap depuis 9 ans.
Contrairement aux idées reçues et même si le handicap peut être perçu comme une punition des péchés, ces personnes ne sont pas mises au ban de la société. « L’industrialisation a été accompagnée d’une notion de performance dans laquelle la personne handicapée est celle qui n’arrive pas à suivre le rythme. Une notion qui n’existe pas au Moyen Age. »
« Pas un obstacle absolu à l’exercice d’un métier »
Si peu de sources existent sur le handicap et le travail, des informations peuvent être trouvées dans les procès ou les récits de miracles où la vie des personnes est évoquée. Ces textes apprennent par exemple qu’un garçon sourd a été adopté par un forgeron qui lui enseigne son métier et communique avec lui par signes. « Le handicap n’est pas un obstacle absolu à l’exercice d’un métier. Si une femme a du mal à se mouvoir elle travaillera dans le filage, les personnes s’adaptent. »
Dans la noblesse, l’enfant handicapé est placé au monastère. « Ne pouvant ni combattre ni fournir des héritiers, il est ainsi utile à la famille par ses prières. L’archéologie montre qu’il y avait beaucoup de personnes handicapées dans les cimetières des monastères », explique Olivier Richard qui souligne qu’aucune source ne permet de dire qu’il y avait plus d’infanticides ou d’abandons de bébés nés avec un handicap. « Leur handicap pouvait être attribué à un péché commis par leurs parents, comme une relation sexuelle au moment du carême, il y avait donc une notion de culpabilité importante. »
Le financement de prothèses par les villes
Côté peuple, ceux qui ne peuvent pas travailler ont par ailleurs l’autorisation de mendier, un droit réservé aux invalides, aux personnes âgées… « Il y avait alors une peur des fraudeurs qui simuleraient un handicap. Une farce met par exemple en scène un boiteux qui ne veut pas être guéri pour ne pas devoir travailler. » Des aides ponctuelles données par les villes aux pauvres (ce qui inclut les bossus, les aveugles… ) sont aussi évoquées. Au 16e siècle, des sources montrent que des villes finançaient des prothèses.
« Ainsi, du point de vue de l’intégration, on ne peut pas dire que c’est mieux maintenant. De nos jours, les personnes en situation de handicap sont regroupées dans une catégorie chapeau, à part. » Au Moyen Age, selon le discours religieux, l’être humain est imparfait, « c’est ce qui le distingue de Dieu. L’ « infirmus » est simplement une personne avec plus d’imperfections, un être humain par excellence », conclut le chercheur.
Marion Riegert