Problème de mémoire, appétit féroce… le zombie est-il un bon modèle d’étude pour les neuroscientifiques ? Dans le cadre de la semaine du cerveau, cinq chercheurs vont tenter de répondre à cette question à travers une démarche scientifique ayant notamment comme modèle le zombie des films de George Romero. Parmi eux, Jean-Christophe Cassel, spécialiste des neurosciences. Attention, tout ce qui suit est purement fictionnel, enfin presque…
04/03/2019
« Les zombies ont une très mauvaise mémoire, comme moi depuis lundi », plaisante d’emblée Jean-Christophe Cassel, directeur du Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives, pour détendre l’atmosphère. A quelques mètres, des zombies attendent d’être étudiés dans des cages du sous-sol de la faculté de psychologie. Zombie ? « C’est un individu humain mort mais revenu à la vie. Cet état pourrait s’expliquer par le fait que l’âme ne se serait pas totalement détachée du corps au moment de la mort », détaille le chercheur qui précise que c’est un modèle intéressant. « Il conjugue plusieurs caractéristiques de maladies neurodégénératives et peut ainsi permettre de travailler sur les maladies de Parkinson ou d’Alzheimer, par exemple. »
Cerveau atrophié, quasi absence de cervelet et zones impliquées dans la satiété presque inexistantes, le zombie présente un cerveau altéré tant au niveau macroscopique que microscopique. Ces modifications expliquent la faim constante du zombie avec une préférence pour les chairs humaines. « On peut presque parler d’addiction », souligne le chercheur. « Il a également moins de neurones et donc moins de besoins en glucose. » Sans parler d’un problème de désinhibition majeure lié à l’atteinte du cortex préfrontal.
1,5 millions d’euros de financement
Cette recherche encore confidentielle est née il y a une dizaine d’années. « Les scientifiques qui voulaient étudier les zombies ont toujours été pris pour des fous, jusqu’au jour où un Nobel s’est fait poursuivre à Strasbourg. » L’évènement marque le début d’un projet d’étude multidisciplinaire. Monté par une vingtaine de spécialistes, il fait de l’Université de Strasbourg une pionnière dans le domaine. Mais les débuts sont difficiles et les chercheurs essuient plusieurs refus de financements.
En 2012, ils ont l’idée de monter une association ayant pour but de travailler sur les maladies neurodégénératives de manière générale. Le projet obtient enfin 1,5 million d’euros. « Nous nous sommes bien gardés de dire que le zombie était notre modèle d’étude », glisse Jean-Christophe Cassel. Cages, armures de protection, le financement permet à l’équipe de se doter du matériel adéquat pour étudier le zombie, trop dangereux pour être observé dans son milieu naturel.
Une assiette de chair humaine
Pour les capturer, la technique est rôdée : un chercheur sert d’appât, se fait voir par un zombie avant de courir jusqu’au sous-sol de la faculté de psychologie où une trappe permet d’emprisonner son poursuivant. « Il ne faut pas courir trop vite, car le zombie a du mal à se déplacer à cause de sa musculature en putréfaction et de son atrophie cérébelleuse», précise Jean-Christophe Cassel, qui dit s’être inspiré des techniques du cirque pour créer le sas.
Une fois capturé, la vigilance est de mise. Des précautions d’autant plus importantes qu’une morsure transforme sa victime en zombie. « A condition de ne pas être dévoré totalement », souligne le chercheur. Côté prélèvements, exit la prise de sang classique. « Nous leur tendons une assiette d’un succédané de chair humaine, ils passent le bras à travers la grille et nous pouvons en couper un bout. L’avantage du modèle c’est qu’il ne ressent pas la douleur et présente une absence totale d’émotions. En plus, il oublie vite ce qu’on lui a fait. » Les morceaux étudiés ne posent par ailleurs aucun problème de recyclage. « Nous les jetons aux autres zombies et ils les mangent. » Quid de l’éthique ? « Il faudra venir à la semaine du cerveau pour en savoir plus », sourit le chercheur qui sera entouré de ses collègues pour évoquer cette démarche scientifique à l’objet d’étude pour le moins original.
Marion Riegert
- Rendez-vous le samedi 16 mars 2019 à 14h à la librairie Kléber.
La semaine du cerveau en bref
Good to know
La semaine du cerveau est un événement européen qui a lieu tous les ans au mois de mars. Il a pour objet la promotion de la recherche et des connaissances sur le « cerveau » et le système nerveux en général auprès du grand public. Conférences grand public, interventions dans les établissements scolaires, cafés scientifiques, spectacles… Depuis plusieurs années, Neurex coordonne les événements ayant lieu en Alsace. De nombreux partenaires créent, organisent ou participent à cette entreprise : Neurex, le Neuropôle, le Jardin des sciences, l'Inserm Grand Est, La Nef des sciences, l'Académie de Strasbourg, le CNRS...
Du 4 au 28 mars 2019, retrouvez le programme complet sur le site de Neurex : https://www.neurex.org/