Les cinémas chinois ont leur dictionnaire

11/02/2020

Biographies d’auteurs, analyses thématiques et esthétiques, présentation de films… Le « Dictionnaire des cinémas chinois » propose au lecteur de voyager dans cet univers arrivé tardivement sur les écrans français. Un univers qui passionne Nathalie Bittinger, chercheuse au sein de l’équipe d’accueil Approches contemporaines de la création et de la réflexion artistiques, et qu’elle souhaite à travers cet ouvrage faire découvrir au plus grand nombre.

En couverture, Zhang Ziyi, célèbre actrice chinoise, s’affiche en position guerrière, dans un décor nimbé de mystère. Une image typique du cinéma chinois, « un cinéma très pictural, poétique, empreint d’un imaginaire tout à fait singulier », détaille Nathalie Bittinger. Lorsqu’elle débute le projet, il n’existe pas de dictionnaire d’analyse regroupant la Chine, Hong Kong et Taïwan et la bibliographie française dans le domaine reste mince.

« Ces trois cinémas passent par des formes particulières tout en partageant des références culturelles ou artistiques », souligne la chercheuse qui choisit de parler « des cinémas » : « Car il y a l’histoire géopolitique de ces trois territoires et leur histoire cinématographique avec un fond philosophique commun et des cinéastes et acteurs qui ont traversé les frontières. »

Une conception cyclique du temps

A travers l’angle esthétique et historique, la forme en abécédaire permet au lecteur d’entrer dans l’ouvrage de 600 pages là où il le souhaite. Biographies d’auteurs, analyses… les études des 17 collaborateurs français mais aussi chinois, taïwanais ou encore hongkongais, mettent l’accent sur les œuvres importantes et les films clés. Le tout, avec comme point de départ, un premier film chinois qui aurait enregistré l’acteur Tan Xinpei dans une pièce de l’opéra de Pékin en 1905 : La Prise du mont Dingjun.

De longues entrées concernent des thèmes comme le bouddhisme ou encore le majong, qui parsèment le cinéma chinois. Sans oublier la calligraphie et la peinture qui infusent les œuvres. Autre spécificité : les films de fantômes. « C’est un cinéma qui se nourrit des arts et des légendes locales avec une conception cyclique du temps, un autre rapport à l’espace... » Mais ne vous y trompez pas, malgré des moments de romances que nos yeux d’occidentaux pourraient trouver naïves, le cinéma hongkongais par exemple peut se révéler d’une extrême violence, sans aucun tabou et très subversif à l’image des œuvres du réalisateur hongkongais Ringo Lam.

Tourner de manière discrète

Les mutations esthétiques, dans leurs rapports avec l’histoire et la politique, occupent également une place importante dans l’ouvrage. « En Chine continentale, longtemps les cinéastes devaient tourner en collaboration avec un studio d’État. Pour contourner cette obligation, les réalisateurs de la 6e génération ont utilisé de petites caméras qui leur permettaient de tourner de manière discrète mêlant fiction et documentaire ». C’est le cas de Lou Ye qui, dans Une jeunesse chinoise, revient sur les évènements de la place Tian’anmen.

Afin d'éviter la censure, ces images allant à l’encontre des discours officiels étaient parfois envoyées par valises diplomatiques à l’étranger. « Longtemps, ces oeuvres traitant des mutations brutales de la Chine ou de certains événements passés n’étaient pas visibles dans le pays. » Encore aujourd’hui, les films doivent obtenir une autorisation de diffusion publique. 

Marion Riegert

« Un choc esthétique »

Plus d'informations

L’amour du cinéma asiatique et plus particulièrement chinois, taïwanais et hongkongais de Nathalie Bittinger est parti d’un choc esthétique. De cette découverte, elle fait un sujet de master sur le film 2046 puis un ouvrage. « Il raconte une histoire d’amour mélancolique dans le Hong Kong des années 60 avec une répétition obsessionnelle du chiffre 2046 en lien avec la rétrocession de Hong Kong à la Chine », raconte Nathalie Bittinger passionnée par la manière dont le cinéma met en scène le social et le politique.

La chercheuse poursuit avec une thèse sur les mises en scène de la rétrocession. « Le fait d’être en sursis, de redevenir chinois crée une urgence de filmer les soubresauts de Hong Kong, avec violence ou mélancolie. » Son sujet s’élargit ensuite aux cinémas chinois et taïwanais contemporains dans lequel se retrouvent les mutations économiques rapides de la société. Avec un intérêt plus particulier pour la 6e génération de cinéastes chinois, post Tian’anmen.

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