« Les monnaies complémentaires locales participent à rendre la mondialisation plus humaine »

12/01/2017

La monnaie locale propre au Bas-Rhin fait son entrée à l’université. Depuis le 1er janvier 2017, il est désormais possible de troquer ses euros contre des stücks au Service pour la promotion de l’action sociale (Spacs). Une bonne occasion de s’interroger sur le principe des monnaies complémentaires locales. Éléments de réflexion avec Julien Pénin, professeur en sciences économiques au Bureau d’économie théorique et appliquée.

Qu’est-ce qu’une monnaie complémentaire locale ?

Ces monnaies peuvent être vues comme une forme d’innovation sociétale. Il est important de rappeler qu’elles ne sont pas nouvelles. Certaines existent depuis très longtemps. D’un point de vue économique, elles sont intéressantes aujourd’hui parce qu’elles contrebalancent une certaine forme de globalisation de la monnaie. Il n’y a en effet plus que quelques grandes devises de référence qui semblent compter. Comme le nom le laisse entendre, les monnaies complémentaires locales ne visent pas à se substituer à la monnaie officielle, mais plutôt à exprimer un besoin de localité.

Justement, quelles sont leurs particularités ?

Elles ne fonctionnent pas toutes de la même manière. Néanmoins, il y a quelques principes directeurs. En règle générale, ces monnaies complémentaires visent à promouvoir et renforcer le commerce local. Elles vont souvent de pair avec les initiatives pour le développement durable, l’écologie, la soutenabilité, l'économie du partage… Pour cette raison, elles sont très rarement utilisables dans les grandes enseignes de distribution. Techniquement, ce n’est pas impossible, mais cela irait dans la plupart des cas à l’encontre de leur philosophie.

Les monnaies locales ont-elles vocation à pallier les éventuelles limites des grandes devises ?

Je ne pense pas car il y a beaucoup d’avantages à utiliser des monnaies globales. En revanche, on a tendance à oublier que le rôle de la monnaie n’est pas uniquement économique. Dit autrement, la monnaie joue un rôle symbolique très fort. Elle fait partie de notre identité. Si les Anglais n’ont jamais voulu passer à l’euro, ce n’est pas seulement pour des raisons économiques… Une grande partie des économistes "classiques" admettaient le postulat de la neutralité de la monnaie. Ils estimaient qu’elle n’avait aucune influence sur la production, le chômage, etc. Cette vision a complètement été remise en cause par les travaux de John Maynard Keynes. Aujourd’hui, avec les monnaies complémentaires locales, on redécouvre ce rôle symbolique. Elles participent à définir une identité, promouvoir des échanges locaux, encourager la solidarité, c’est-à-dire, finalement, à rendre la mondialisation plus humaine.

Quel est l’enjeu pour ces monnaies locales ?

Si on prend l’exemple du stück dans le Bas-Rhin, l’enjeu est de constituer une masse critique de commerçants acceptant cette monnaie pour inciter les citoyens à convertir leurs euros en stücks et ainsi étendre le réseau au-delà des personnes s’y investissant par pure conviction. Mais cet objectif n’est pas toujours facile à réaliser sans se renier. Bien souvent, les associations qui lancent une monnaie complémentaire sont satisfaites dès lors qu’elles arrivent à faire vivre quelques producteurs locaux. L’objectif est rarement de s’imposer dans toute une région.

Propos recueillis par Ronan Rousseau

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