Les papyrus coptes documentaires dévoilent leurs secrets

05/02/2019

Fille d’une mère papyrologue et d’un père spécialiste des manuscrits hébraïques, Esther Garel est tombée dans la marmite depuis toute petite. Arrivée comme maître de conférences à l’Université de Strasbourg en septembre 2018, la chercheuse, membre de l’unité mixte de recherche Archimède (Archéologie et histoire ancienne : Méditerranée-Europe ), est spécialiste des papyrus coptes documentaires.

Ordres de paiement de taxes, reçus, correspondances officielles ou documents juridiques de la sphère privée (contrats, testaments et autres lettres) Esther Garel s’intéresse aux papyrus et aux ostracas* documentaires coptes. « C’est du 6e au 8e siècle qu’on en trouve le plus, soit la fin de l’époque byzantine et le début de l’époque arabe. Une période où trois langues coexistent dans la région : d’abord le grec et le copte, puis l’arabe à partir du milieu du 7e siècle », souligne la maître de conférences qui s’intéresse plus particulièrement à cette période de transition.

Après s’être penchée sur les testaments de supérieurs d’un monastère de Haute Egypte pour sa thèse, la chercheuse s’est intéressée, durant son post-doctorat à l’Académie autrichienne des sciences de Vienne, aux document de la région du Fayoum, une oasis située à 80 km environ au sud-ouest du Caire. « La langue copte n’est pas unifiée, elle comporte plusieurs dialectes, dont le fayoumique. »

Une première dans une université publique

Installée depuis septembre à l’Université de Strasbourg, Esther Garel poursuit ses recherches sur le sujet tout en enseignant la langue copte. « C’est la première fois dans une université publique en France qu’il y a un enseignement de copte dès la licence », explique la chercheuse.

Déchiffrer, comprendre le texte et le traduire, le travail de la chercheuse nécessite plusieurs étapes. « Ce qui est compliqué c’est qu’il nous manque souvent le contexte. Dans le cas d’une lettre par exemple, l’expéditeur et le destinataire partagent un certain nombre d’informations qui nous échappent. » A la clé, une édition commentée pour mettre en valeur les informations nouvelles et importantes du texte.

« Une lettre nous apporte notamment des données sur le cadre historique et social. Une correspondance officielle nous renseigne sur le fonctionnement de l’administration... Nous obtenons ainsi une connaissance historique et institutionnelle du pays au début de la période arabe », souligne Esther Garel qui précise que ces documents apportent une vision complémentaire qui vient s'ajouter à celle des chroniqueurs arabes plus tardifs.

« Une meilleure connaissance de la langue parlée »

L’intérêt est aussi linguistique. « Le copte est une langue qui est encore en train d’être comprise. L’étude des textes permet de voir son fonctionnement. L’avantage des papyrus documentaires, c’est qu’ils nous donnent une meilleure connaissance de la langue parlée alors que dans les textes littéraires la langue est standardisée. »

En parallèle de ces travaux, Esther Garel s’intéresse avec une équipe de papyrologues à un autre corpus conservé au Caire. « Ce sont les archives bilingues (en grec et en copte) d’un administrateur de la ville d’Edfou (660-670). Le pan copte est complètement inédit, ce sont des documents très fragmentaires, on fait un peu du puzzle, c’est amusant, mais parfois aussi très décourageant », sourit la chercheuse. 

Marion Riegert

* Les ostracas sont des fragments de poteries ou des éclats de calcaire utilisés pour écrire des documents de petite taille, essentiellement des lettres, des reçus ou des contrats courts, dont la validité était limitée dans le temps. Ils sont généralement utilisés dans les régions où le papyrus est cher.

En visite dans la chambre forte de la BNU

Good to know

Guidés par Daniel Bornemann, conservateur à la Bibliothèque nationale universitaire, nous entrons dans une des chambres fortes du bâtiment créée en 2014. Là, sous une lumière tamisée et au milieu d’autres antiquités dont la plus ancienne date du 24e siècle avant Jésus-Christ, près de 10 000 papyrus et ostracas, en partie inédits, attendent leur heure. Ces derniers ont été collectés à l’époque allemande fin 19e. « Taiwan, Nouvelle-Zélande, Australie… Des chercheurs viennent du monde entier les étudier », glisse le conservateur. Parmi eux, 700 papyrus et 600 ostracas coptes dont une vingtaine de papyrus documentaires fayoumiques sur lesquels Esther Garel prévoit de se pencher. « Il y a par exemple une lettre en dialecte fayoumique issue du milieu monastique et datant du 8e siècle dont il manque la moitié », précise la chercheuse. Sans oublier un contrat de vente à terme de vin. « C’est un contrat de prêt d’argent datant du 8e siècle avec un remboursement en nature. Souvent, les cultivateurs vendaient leurs récoltes en avance en échange d’argent. » A Strasbourg, environ 10% de la collection des textes coptes est publiée, « il y a beaucoup de choses à faire, cela peut constituer une base de sujets de recherche pour des étudiants.»

Des origines du mot "copte"

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Ce qui a donné le mot « copte » est à l’origine un mot de l’égyptien ancien signifiant « château du ka de Ptah ». Ce nom sacerdotal de la ville de Memphis a été transcrit par les Grecs Αἰγύπτος (Aiguptos), et a donné naissance à un adjectif dérivé Αἰγύπτιος « Aiguptios » qui signifie « Égyptien ». Le mot fut transcrit en arabe par qibt lors de la conquête, et désignait alors la population autochtone, non arabe, et quasi exclusivement chrétienne. Il se teinte d’une connotation confessionnelle lorsque les chrétiens deviennent minoritaires vers la fin du 12e siècle. Le terme « copte » recouvre également une réalité linguistique puisqu’il désigne le dernier stade de la langue égyptienne.

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